Le saint oublié !

Saint Pierre et ses clefs, Sainte Thérèse et ses roses, Saint Jean Climaque et son échelle, Sainte Gudule et sa cathédrale ( Bruxelles)… Dans une litanie des saints, ils pourraient être tous invoqués, même nous, tous saints dit-on !… Tous invoqués ? Non.

Tous invoqués ?

Savez-vous qu’il en manque toujours un ! Il est pourtant bien là. Personne ne se souvient de lui et quand on évoque le mot « saint » jamais son nom n’est mentionné. Lorsqu’on en cherche un saint, on part en Afrique auprès de quelques bons missionnaires, en Égypte ou en France au milieu des chiffonniers ou faute de mieux dans quelques niches du Vatican, mais vers lui jamais. Il n’a jamais fait la une des journaux, n’est pas passé à la télé – même pour une partie de poker. Il n’a rien d’un séducteur aux dents blanches. Qui est-il ? Comment se nomme-t-il ? On le chante, le proclame, … mais il passe inaperçu ! « Saint est son Nom » (Lc 1,49). Dieu Saint qui s’en soucie ? La sainteté n’est plus à la mode. On lui préfère la réussite (sociale ou personnelle – ce qui est la même chose). Et quand il est question de sainteté, il s’agit avant tout de l’histoire d’hommes et de femmes d’aujourd’hui ou d’hier, mais rarement d’histoire de Dieu. Comme si notre salut ne tiendrait qu’à nos propres œuvres de sanctification (qui prennent souvent des allures de mortification ou qui relèvent de missions impossibles !) ou mieux aux œuvres des autres : c’est tellement plus facile. Finalement, en ne jugeant la sainteté des hommes et des femmes déclarés comme tels qu’à leurs actes, les plus méritoires soient-ils, ou à leur capacité de séduction, nous pouvons très bien nous passer même de Dieu. Dieu, le saint oublié… Nous faisons tout pour plaire au plus grand nombre, ou pour se plaire, se faire plaisir… Nous agissons plus, pour mériter plus : c’est parait-il de l’ordre du gagnant-gagnant.

Cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, La lapidation de saint Etienne, Charles Thévenin, 1829

La sainteté, c’est gratos !

Pourtant, dans la Bible, au livre du Lévitique, Dieu s’exprime ainsi : « Soyez saints, car moi je suis saint » (Lv 11,44). L’avions-nous oublié? Dieu est LE saint par excellence et sa sainteté exprime avant tout son désir de se révéler à nous tel qu’il est  : Dieu libérateur, miséricordieux et fidèle… La Sainteté de Dieu est ainsi la source (et non le but à atteindre) de notre propre sanctification, de notre véritable bonheur. Créés à l’image de Dieu (Gn 1,27), nous sommes appelés à vivre de Dieu, non pour en être les serpillères obéissantes, mais pour ??? pour quoi au fait ? Pour rien. La sainteté de Dieu, c’est sa gratuité, son désir généreux de nous voir devenir digne de porter le nom d’humanité! Il veut simplement inonder nos cœurs pour que nous reflétions son image, ce visage que le Christ est venu incarner : ce Fils, véritable icône du Père, le Saint de Dieu (Mc 1,24), Jésus-Christ. Il est bien, lui aussi, LE saint par excellence, puisqu’en lui tout respire l’Amour du Père jusqu’à la Croix, le lieu saint par excellence. La sainteté du Christ est dans cet abandon humble et fidèle au Père, dans cet amour donné pour tous les hommes. Il est saint parce qu’il est de Dieu et que chacun de ses gestes, chacune de ses paroles ne cessent de nous désigner ce Père Saint et aimant (Jn 17). Regarder le Christ, l’écouter, se nourrir de sa Parole, apaise notre cœur et nous fait devenir saints.

Multiplication des pains, Saint Apollinaire, Ravenne, VI°s.

Devenir saint ? Pas possible !

Au regard de nos faiblesses, de nos trahisons, nous nous sentons souvent trop démunis et indignes pour parvenir à la sainteté – si tant est qu’y parvenir soit un but en soi aujourd’hui. Et nous avons raison… si nous confondons sainteté et perfection (perfection au regard des hommes) nous ne pourrons, ni ne voudrions y accéder. Pourtant, rappelons-nous, Paul dans ses lettres, Jean dans l’Apocalypse et bien d’autres parlent de ces saints. Il ne s’agit pas là de quelques personnages morts et exemplaires (on se demanderait même s’il faut être mort pour devenir exemplaire? ) Du temps des premiers chrétiens, les saints désignent avant tout la communauté chrétienne : ceux et celles qui font signe de la gratuité et de l’Amour de Dieu tel que nous l’a révélée Jésus-Christ.  Les chrétiens sont tous saints : Ouf! nous voilà rassuré. Ils vivent de l’Esprit du Christ, l’Esprit Saint… bon, là çà devient plus difficile, mais nous ne sommes pas seuls pour y parvenir. Dans l’Évangile de Jean, Jésus dit à ses disciples : « Sans moi vous ne pouvez rien faire » Jn 15,5.

Finalement, nous aurons bons nous vêtir des actes les plus charitables, des gestes les plus pieux, des initiatives soi-disant les mieux évangélisatrices, ou encore des chasubles les plus dorées : la sainteté à laquelle Dieu nous invite est avant tout de l’ordre d’une rencontre salvatrice avec LE (trois fois) Saint. Celui de qui nous recevons la sanctification, ce don d’Amour qu’il nous livre chaque jour et auquel nous sommes appelés à répondre dans notre relation avec les hommes et avec Dieu, saint oublié sur la croix par ses disciples les plus fidèles, saint oublié par le monde d’aujourd’hui, saint oublié même de quelques fidèles qui disent pourtant ses disciples.

La sainteté, une rencontre avec LE saint oublié, y compris dans l’épreuve, les difficultés – nos croix d’aujourd’hui –  n’est-ce pas pourtant ce qu’il y a de plus libérant ?

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

Un commentaire

  1. Bonjour François et merci.
    Mais tu sais, au fil de mes rencontres de récollection ou de retraite, je croise des personnes (aux racines bien vivantes, certes) qui chantent intérieurement “Saint le Seigneur, alleluia…” pour mettre un peu de Vie dans leurs temps morts, les redonner à Dieu dans une prière de louange, simple, gratuite, égrainée tout au long de la journée.
    Parce que le temps aussi se sanctifie.
    Et qui plus simplement que celle que tu cites, a compris que la sainteté n’était pas affaire d’actions volontaristes, où la palme reviendrait au plus performant. Dans nos faiblesses, il nous est impossible de s’élever, alors c’est Dieu qui descend, qui se penche sur nous pour combler nos mains vides… pour autant qu’on se dépossède de nous-mêmes, qu’on s’abandonne dans la confiance, qu’on laisse Dieu aimer en nous.

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