Discrètement Noël.

Dans les rues de la ville – peu importe quelle ville, elles se ressemblent toutes – tête en l’air et yeux fixés sur les lumières colorées, je regarde clignoter les messages : “Bonnes Fêtes“, “Meilleurs vœux“, mais tient : pas de “Joyeux Noël“… Au gré de mes pas, sur les vitrines des commerçants s’affichent les “promos” “Spécial fêtes” “-20% sur vos cadeaux“… mais toujours pas de “Joyeux Noël“. Farfadets simplets vêtus de vert et vieillard idiot habillé de rouge, ours blancs et pingouins noir sont installés dans la vitrine balançant machinalement et tristement leurs membres articulés… mais toujours pas de “Joyeux Noël“. Enfin, là, une crèche et ses santons : le boulanger, le forgeron, la vieille dame,  la poissonnière, le paysan, les chiens, les enfants… mais pas de “Joyeux Noël” ni même de Nativité ! Et dans ces mêmes magasins une foule marmonne : “pardon, je suis pressé!”, “Vite chéri prends-le avant le monsieur, c’est le dernier“, et in fine “vous avez la carte de fidélité ?” mais jamais de “Joyeux Noël” pas même un sourire. Chocolats fondant et bûches glacées, vins fins et foie gras, pantins animés et foule acariâtre, tout s’affiche en cette période, tout… sauf l’essentiel : un simple “Joyeux Noël“. Noël aurait-il disparu ? Je veux dire le vrai Noël, pas celui qui s’habille en rouge pour se servir de notre carte bleue ! Non celui qui, celui qui… qui quoi d’ailleurs ?

Faïence de la cathédrâle arménienne de JérusalemIl y a deux mille ans, les choses n’avaient peut-être tant changé que çà, nous sommes toujours nostalgiques à cout terme. Mais rappelons : une foule dans une ville, un village même : Bethléem accueillant un jour tous ceux qui viennent se faire recenser. Rappelons-nous des hommes en rouge, déjà : les Romains, les occupants du moment et qui, eux aussi, ne passent pas inaperçu. A l’inverse nul ne porte attention à ce couple qui déambule dans la ville à la recherche d’un abri. Personne ne leur offre un abri ni même quelques sourires. Des anonymes au milieu de la foule. Tous s’agitent sans leur prêter attention. Et dans ce village, dans le silence de la nuit, rien. Rien n’indique qu’un enfant est né. D’ailleurs ce même jour, à la même heure, d’autres enfants sont nés. Sans doute même sont-ils pour certains d’entre eux bien nés, nés de bonne famille, nés dans un lit douillet. Mais ce n’est pas là qu’il nous faut regarder, c’est encore plus bas. Non pas dans la chambre haute, mais à l’étable, en bas. Oui là, près de ces Galiléens, les bouzeux de province, là encore plus bas, dans une mangeoire, dort un nouveau-né. Il ressemble à tous les enfants, rien ne le distingue des autres. Et pourtant c’est à partir de cette pauvre naissance qu’Il est venu discrètement. Seuls quelques bergers pouilleux, que personne ne regarde tant ils sentent mauvais, ont peut-être deviné l’essentiel : un Sauveur nous est né, l’amour de Dieu s’est fait chair, discrètement et pourtant très vite contesté par les puissants des Hérode d’hier et d’aujourd’hui.

Jérusalem - Quartier chrétien Noël 2008 A l’heure où tous s’agitent, à l’heure où certains ne se réjouissent que de festivités passagères, de fastes gastronomiques, d’ors et de chants éculés et de lumières illusoires, une espérance demeure. A l’heure où tout le monde crie au loup et veut sauver le monde à sa manière, l’enfant du salut reste silencieux. La discrétion de la crèche appelle le silence de la croix où sous les coups des hommes en rouge, sous les cris de la foule, le Christ ne cessera de planter son espérance dans l’humanité jusqu’à ce que s’ouvre le rocher de nos certitudes pour laisser place à la foi, à l’amour et à l’espérance. Discrètement Noël, discrètement la Nativité,  discrètement Dieu est venu habiter parmi nous. Discrètement Dieu a pris le risque de l’humanité, de l’humilité. Discrètement, mais inlassablement et sûrement, une étoile, une croix viennent illuminer nos vies si tant est que nous nous ouvrions à lui. Et c’est cette Espérance de Dieu en l’Homme, en la Vie, en nous, que des hommes et femmes d’aujourd’hui qui célèbreront la Nativité veulent rappeler : “De la crèche au crucifiement, Dieu nous aime inlassablement”. Dans les rues de nos villes – peu importe quelles villes, elles se ressemblent toutes – une étoile ou une croix brille. Discrètement Noël.

Ah, j’allais presque oublier :

Bonne fête de la Nativité à toutes et à tous !

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

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