A qui irions-nous ? dix ans déjà…

Sorti d’une page du tome  de la Liturgie des Heures, comme oublié, je regarde ce signet, celui du jour de mon ordination. Je me souviens… dix ans (déjà !)…

La chaleur accablante que les épaisseurs d’une aube, puis d’une lourde chasuble, rendaient encore plus  intenable. Je me souviens de la foule, de ces visages familiers qui nous avaient accompagnés durant ces années de discernement et de formation, de ce presbyterium fraternel, heureux de nous accueillir, de ces paroles épiscopales, profondes et encourageantes…

signet d'ordination, auteur:J.O.Héron

Loin de moi toute nostalgie, mais un sourire amusé en relisant ce signet inspiré de l’Evangile selon St Jean  :  Alors, beaucoup de ses disciples le quittèrent et ne marchaient plus avec lui.  Alors, Jésus  dit aux Douze : ‘Et vous, vous ne voulez pas partir  ?’ Simon-Pierre lui répondit :’A qui irions nous, Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Et nous nous avons cru, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu‘ (Jn 6,66-69).

A qui irions-nous ? A l’heure où certains s’inquiètent d’une Eglise en perte de vitesse, d’autres, et aujourd’hui encore, font le choix de marcher à la suite du Christ. Le temps des ordinations presbytérales nous rappellent que le Christ, dans le discernement, appelle, choisi – pour reprendre le terme johannique – ceux qui, dans leur innocence et leur faiblesse pétriniennes, sauront devenir des serviteurs de la Parole.   Car, dans cet aveu de Pierre, l’essentiel est dit : ‘A qui (d’autres) irions-nous ?’ Découvrir le Christ, l’aimer au point de tout quitter pour le suivre, pour vivre et faire vivre, éternellement, de sa Parole : quoi de plus ? quoi de plus beau ?

Jésus en procès

Le terme de passions convient sans doute pour parler du ministère. Passion de la vie et de la Parole Vivante, passion de l’accompagnement dans les joies et les peines, passion du faire connaître et du faire aimer… on pourrait ainsi compléter indéfiniment. Mais nous ne pouvons passer à côté de La Passion : si le ministère est passionnant, c’est aussi qu’il est parfois crucifiant. Des Hérode coiffés de gloire et ornés de vacuité, des sadducéens et pharisiens légalo-cultistes[1. ceci est un néologisme, mais vous m’avez compris.], des Judas, craintifs ou ambitieux, de dernière minute, des Pilate méprisant et leurs soldatesques vitupérant, des foules tout aussi extatiques que versatiles[2. oui je sais : je l’ai déjà dit], l’agenda noirci et téléphone impromptu… Les clous ne manquent pas, mes bourdes non plus d’ailleurs – mais que voulez-vous Mme Duval, je ne suis qu’un homme : demandez Gérard au bar, il vous l’expliquera[3. avec lui, au moins, on se marre bien!] .

Pourtant, tel larron en croix, je crois et je reconnais, si je tourne la tête du bon côté,  qu’il se trouve là, lui aussi, celui-là même qui vit ses disciples foutre le camp, tandis qu’un petit reste, cahin-caha, continuait à le suivre. Tu as les paroles de la vie éternelle, de cette libre éternité de chaque instant qui me fait rendre grâce et dont je goûte et partage la moindre fraction de résurrection : passion(s) célébrée(s). S’il n’y avait la Parole comment passerais-je de la Croix au Jardin[4. Lc 23,43 / Jn 20,15] ? Et voilà ces dix ans où se mêlent difficultés et joies, dix ans à côtoyer, à écouter, tout aussi bien ces Mme E.Duval que ces Gérard F.,  dix ans à contempler le Christ agir, à sa manière, dans leur vie. Dix ans à n’être qu’un serviteur quelconque, voire inutile, de la Parole[5. Lc 1,2; 17,10], dix ans à n’être… dix ans à naître, et renaître éternellement.

Que serais-je, où irais-je sans le Christ et celles et ceux qui me le font chaque jour découvrir et aimer davantage, au-delà des pesanteurs ? Que serais-je, où irais-je sans tous celles et ceux qui, sur ce chemin décennal de mon ministère, ont su m’offrir ce sourire de remerciement, ce petit verre de whisky[6. Une bière bien fraiche aussi]  amical, cette petite place à la table du réconfort, ces moments de détente et de rire, ces instants tout ordinaires mais non moins précieux…

A vous tous, merci.

Partagez sur :
François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

6 commentaires

  1. Bon anniversaire ! 10 pour toi… c’est drôle, pour moi aussi c’est un anniversaire, qui finit par un zéro… Une ou plusieurs décennies pour la même Cause… le même service… la même action de grâces…
    Merci aussi pour tous tes billets sur le net et les méditations que tu nous y offres.

  2. Belle fête et bonne continuation de chemin ! Merci à toi aussi, d’être ce serviteur inutile et pourtant si nécessaire de la Parole !

    A se boire une bière / rencontrer aux JMJ p’têt ! 😉

  3. Bel ordiversaire ! On parlait de toi avec Zabou, il y a peu, en bien forcément…et comme David, on se disait que ce serait chouette de pouvoir se croiser un de ces jours !

  4. va falloir qu’on se rencontre pour de vrai, mon gars, hein! Belle passion pour la Passion. Ramer, et découvrir que le plus important, c’est qu’on flotte, et pour ça,on y est pour rien!

    La seule vigilance, c’est qu’on ne devienne pas comme Saint Paul emploie, on avait commencé pour un service public, et on devient industrie de gestion humaine. Va bien!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.