Rencontre #28 … dans les larmes

5e dimanche de Carême (année A)

Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus fut bouleversé d’une émotion profonde. Il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Viens voir, Seigneur. » Alors Jésus pleura. Les Juifs se dirent : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux disaient : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » (Jn 11,1-45)

Scène plutôt étonnante et unique dans les évangiles : Jésus pleure. Mais pourquoi ? Pour qui ? Lui, le Fils de Dieu, nous disait pourtant, quelques versets plus haut, qu’il allait ressusciter Lazare : notre ami, s’est endormi ; mais je m’en vais le tirer de ce sommeil.  A Marthe, il déclarait aussi : Ton frère ressuscitera. Où est passé la belle assurance de celui qui, sachant son ami malade, n’a pas daigné se rendre immédiatement vers lui ? Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura pourtant deux jours à l’endroit où il se trouvait. Ce texte est déroutant à bien des égards. Pourquoi pleurer cet ami qu’il va ressusciter ?

Lazare

Jésus pleure, certes, mais il n’est pas le seul : tout le monde chiale dans ce récit. Les Juifs pleurent en voyant Marie pleurer. Tous pleurent, mais Jésus ne pleure pas comme eux. Le texte grec emploie deux verbes différents. A propos des Juifs, l’évangéliste utilise le verbe pleurer, en grec : Klaiô (κλαíω). Et l’on pleure beaucoup dans la Bible (182 références), de tristesse, de souffrance, de joie, à l’occasion d’un deuil, ou de retrouvailles… Ainsi les Juifs venus entourer Marthe et Marie pleurent la mort de Lazare, lamentations convenues lors d’un deuil, jouant ainsi le rôle des pleureuses.

Mais pour Jésus, le récit emploie un autre terme, rare dans la Bible : dakruô (δακρúω – 7 références seulement) et que l’on pourrait traduire par être en larmes. Un verbe toujours associé aux drames extrêmes et terribles (massacres, tueries…) : ces morts qui ne sont pas ‘naturelles’, causées par la violence. Mort injuste. Ce qui rend encore le texte plus étonnant : Marie pleure, Jésus est en larmes, fond en larmes. La douleur de Jésus semble surpasser celle de la sœur du défunt !

Ses larmes sont l’expression vraie de cette  tristesse profonde face à l’injustice de la mort, de toute mort, jusqu’à se noyer dans ses propres larmes. Jésus est face au drame de l’humanité auquel il compatit avec douleur. Sa foi en la Résurrection ne le rend pas indifférent à nos drames, bien au contraire. Le texte d’ailleurs précisait qu’en voyant Marie pleurer Jésus fut bouleversé d’une émotion profonde (littéralement : frémit en esprit et se troubla), expression concernant le trouble de Jésus que l’on retrouvera à l’annonce de sa mort, à la trahison de Judas. La mort n’est pas anodine même pour Jésus. Et pourtant ou justement, Jésus vient donner le Signe de Sa Vie.

Depuis quatre jours, Lazare ‘repose’ dans le tombeau. Rien ni personne ne peut le sauver apparemment. C’est dans l’ordre des choses, dira-t-on. Non. Lazare n’a pas échappé à la mort et, certes, Jésus n’a pu l’empêcher. Cependant Jésus ne peut laisser celui qu’il aime dans la mort. Il ouvre ce sombre tombeau puant pour le relever. La mort est vaincue. Le noir vide, devient lumière aux côtés du Christ. Comme signe de notre propre Résurrection, Lazare pourra s’asseoir à la table festive du Christ (Jn 12,2). La puanteur cadavérique disparaît pour devenir parfum (Jn 12,3) : Marie est celle qui versa du parfum sur le Seigneur.

Jésus dit à Marthe : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais…

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

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