Le Royaume en actes

pentecote_giotto2Tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous selon les besoins de chacun. (Ac 2,42-47)

Protocommunistes ? Gentils ? ou simplement naïfs ? Prière, enseignement des Apôtres, communion fraternelle, fraction du pain, joie, louange, signes, prodiges… Dans ces quelques versets, une vie de la première communauté nous est présentée. Y’a pas photo : ils sont parfaits ! Mais, soyons réalistes, il s’agit ici du portrait que dessine l’auteur des Actes des Apôtres au début de son livre : cet idéal ne durera pas, nous y reviendrons un autre jour. Pour autant, cette description si exemplaire serait-elle un manuel de la parfaite communauté dont les attitudes seraient uniquement destinées à être reproduites. Ce serait en faire une lecture ‘moralisante’ qui elle-même nous démoraliserait : impossible à mettre en pratique par nos moyens seuls. Et pour cause ! (Désolé, en raison d’un octave de Pâque fébrile, je serai un peu plus long que d’habitude : je rattrape un peu le temps perdu)

Dès le début des Actes des Apôtres, Luc place d’emblée l’histoire de ces communautés dans la dynamique du Royaume. Christ Ressuscité est au milieu des siens, et pourtant les questions des disciples ne diffèrent guère de celles du vivant du Nazaréen : Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? (Ac 1,6). Toujours et encore, l’idée qu’un monde politique doit changer. Or ce qui va changer, ce n’est pas le monde extérieur, mais justement le monde intérieur des disciples appelés à devenir témoins du Ressuscité en Eglise et dans le monde, disciples appelés à être signe d’un autre Royaume : LE Royaume de Dieu.

Ce Royaume advient par la Parole du Christ, Parole qui sera le personnage principal du livre des Actes et qui déjà rassemble les disciples et qui déjà les envoie : Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. (Ac 1,8)

Il est facile de parler du ‘Royaume de Dieu’ mais dans les faits, qu’est-ce que cela représente ? Le livre des Actes dans ces deux premiers chapitres donne à voir cet avènement du Royaume de Dieu en trois temps : le choix d’un second douzième apôtre, le don de l’Esprit et la vie de la communauté.

1- Le Royaume de Dieu n’est autre que la présence agissante du Christ. Ni sa mort, ni sa Résurrection, ni son Ascension (Ac 1,9) ne sont le point final d’une histoire. L’Evangile poursuit sa course. Le choix d’un remplaçant de Judas en la personne de Matthias est donc ici nécessaire : les Douze reconstitués par l’action de Dieu deviennent le signe d’un Royaume inauguré dès le vivant du Christ. Ils sont encore et toujours douze, comme les douze tribus du royaume d’Israël. Ils sont encore et toujours Douze manifestant leur mission d’être apôtres non pour eux-mêmes, mais apôtres du Christ. Il y a bien un Royaume mais qui va gouverner ?

2- Le Royaume ne naît pas, ni ne vit, de la volonté des disciples. Il est donné. Au jour de la Pentecôte, l’effusion de l’Esprit Saint donne à chacun de parler toutes les langues présentes à Jérusalem. Ce Royaume est  bien celui de Dieu : c’est à son initiative par son Esprit Saint que Dieu manifeste encore sa présence et donne jusqu’à sa Parole : tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu (Ac 2,11). Un Royaume qui désormais parle et témoigne d’un Nouveau Temps, d’un Nouveau Peuple, car ce Royaume est déjà sans frontière et missionnaire pour le salut en Christ : Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié  (Ac 2,36). Mais le Royaume est-il seulement paroles et beaux discours, distribution de tracts et autres opérations-marketing pour une nouvelle évangélisation ?

3- C’est à cette question que répond la fin du chapitre 2. Et là nous ne donnons plus dans la gentille morale pour enfants ou charismatiques. Le Royaume doit être vivant et lisible. C’est la mission de toute communauté de Vivre du Royaume  comme les hébreux vécurent de la Terre promise et donnée dans l’Alliance. Or la Nouvelle Alliance en Christ annoncée à la Cène (Lc 22,17-30) implique l’ensemble de la vie des disciples : vie en communion avec Dieu comme avec le frère, que ce soit dans la fraction du pain ou le partage des biens, et l’écoute de la Parole. La vie de cette communauté reflète le véritable Royaume de l’Alliance voulu par Dieu.

Sans cette incarnation du Royaume dans la vie de la communauté, cette dernière ne peut être missionnaire. Ou pour le dire autrement : la vie de la communauté est par essence, si elle vit l’Alliance, missionnaire. Ainsi la communauté manifeste aux yeux du monde la présence salvatrice de Dieu : cette Alliance en Jésus-christ. Le récit de Luc ne met pas en avant une exemplarité morale mais d’abord théologale. La communauté n’est pas ‘parfaite’ parce qu’elle sait prier et partager…. Elle est parfaite, accomplie, parce qu’elle est entièrement unie à Dieu dans la joie du Ressuscité. Dès lors, cette communion joyeuse devient contagieuse et missionnaire :

Chaque jour, d’un seul cœur, ils allaient fidèlement au Temple, ils rompaient le pain dans leurs maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité. Ils louaient Dieu et ils  trouvaient un bon accueil auprès de tout le peuple. Tous les jours, le Seigneur faisait entrer dans la communauté ceux qui étaient appelés au salut.

 

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

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