Père, l’heure est venue (Jn 17,1-11a)

7ème dimanche Pâques (A)

Les discours de Jésus à ses disciples, de types testamentaires, viennent de s’achever avec la promesse de la présence du Seigneur à sa communauté, après son départ vers le Père. Mais, un autre départ se prépare, plus immédiat : celui de ses disciples.

L’heure vient, déclarait Jésus, où s’annonce la Passion que Jésus vivra abandonné des siens : Voici que l’heure vient – déjà elle est venue – où vous serez dispersés chacun de son côté, et vous me laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, puisque le Père est avec moi. C’est dans ce contexte, que Jésus, dans l’évangile de Jean, s’adresse au Père, non en sa seule faveur mais pour ses disciples confrontés au monde.

Mosaïque, Jésus en prière

La prière de Jésus (Jn 17)

Cette prière de Jésus est adressée au Père à la première personne du singulier. Cependant, on y trouve des versets qui laissent supposer une origine provenant d’une prière communautaire connue. Car, Jésus est aussi désigné par la troisième personne, et son nom est également cité : Glorifie ton Fils … tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair … celui que tu as envoyé, Jésus Christ.

Cette prière peut s’organiser en trois parties, que ne reprendra pas le découpage liturgique. Dans une première section (17,1-8), l’évangéliste commence par affirmer la glorification du Fils par le Père et la mission du Fils en faveur du Père. La glorification mutuelle du Père et du Fils se manifeste ainsi à l’approche de la Passion qui va révéler le véritable dessein de salut. Cette révélation est donc destinée aux disciples, non comme un simple élément informatif, mais comme une action et un bienfait à leur égard.

Avec la deuxième section (17,9-19), la prière devient une intercession en faveur de ses disciples, qui vont désormais vivre, face au monde, sans la présence physique de leur Seigneur. Au cœur de cette prière, l’évangéliste souligne les effets de la foi par la joie qui leur sera donné, malgré tout. La troisième section (17,20-26) aura pour thème la nécessaire unité de la communauté pour son avenir missionnaire.

Odilon Redon, le Christ en silence, 1890

Père, glorifie ton Fils (17, 1-5)

Jn 17, 1 Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. 2 Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. 3 Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. 4 Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire.5 Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.

La glorification

La glorification est un des thèmes majeurs de cette prière. Dans la tradition biblique, la gloire (en hébreu cavod  / en grec doxa ) traduit une notion de poids, de richesse, ou d’honneur.  Le verbe glorifier veut donner de l’importance à son bénéficiaire. Dans notre contexte, qui précède la Passion, la glorification mutuelle vient éclairer la mission du Fils. C’est en livrant sa vie que le Fils glorifie le Père : il révèle au monde le poids de l’amour divin du seul vrai Dieu. De même, concomitamment, le Père glorifie le Fils en l’accueillant auprès de lui. Cette prière implique déjà le Père dans cette Passion qui révèle son envoyé : Jésus-Christ et son salut. Le Père ne se désolidarise pas de son fils, y compris sur la croix prochaine.

Car cette glorification mutuelle est avant tout destinée au salut des siens par le don de la vie éternelle. Ce don salvifique ne s’exprime pas en termes de mérites, mais d’accueil. Le don de la vie éternelle recouvre la connaissance relationnelle qui unit le Père et le Fils, au cœur de la Passion. La vie éternelle prend sens à la croix qui accomplit le dessein, l’œuvre de l’envoyé pour le Père. Elle ne se réduit donc pas à l’accès à un au-delà divin post-mortem. Elle représente, dans l’accueil de la foi, la grâce de Dieu au sein d’une réelle communion : une vie pleinement associée à l’Éternel, par son Fils.

Rembrandt, La pièce aux cent florins, 1648

Tu me les as donnés (17,6-8)

Jn 17, 6 J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. 7 Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, 8 car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.

Ils m’ont vraiment reconnu

La glorification et la révélation sont ainsi destinées au salut et à la vie des disciples. Si la vie éternelle est un don, il en est de même des disciples. Ce don les inscrit dans une appartenance durable. Ils n’appartiennent plus au monde hostile, mais au Fils. Le message est plein d’espérance pour ces chrétiens de la communauté johannique qui ont dû quitter, de force, leur synagogue et parfois leur famille. Désormais, en accueillant la foi en Jésus-Christ Fils et envoyé du Père, en mettant foi en sa Parole, les disciples bénéficient de cette élection divine. La glorification mutuelle se confond ici avec la pleine révélation et manifestation divine dans ce maintenant, cet aujourd’hui de la foi. Et ce maintenant renvoie également à cette heure venue de la Passion.

Jésus prie

Moi, je prie pour eux (17,9-11a)

Jn 17, 9 Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. 10 Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. 11a Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi.

Eux sont dans le monde

La prière se fait, maintenant, intercession. Le Christ prie pour ses disciples qui vivent dans le monde, c’est-à-dire : confrontés au monde des oppositions, des exclusions, des persécutions. Leur unité, leur espérance, a d’autant plus besoin de la prière du Christ. Une fois encore, sans lui, ils ne pourront rien faire (Jn 15, 5), ni survivre en tant que communauté croyante. La prière du Christ unit les siens au Père, dans un mouvement oblatif. Tout est don.

L’unité de la communauté et l’amour mutuel (Jn 15) glorifie, honore, le Fils que le Père a envoyé. La vie des disciples devient elle-même signe de la véritable révélation en Jésus-Christ, au milieu des affres du monde. Les disciples s’inscrivent dans cette communion entre le Père et le Fils, dans cette manifestation du Père par le Fils. L’unité aimante de la communauté manifeste la mission divine : les disciples sont UN comme le Père et le Fils (17,11b-19).

Partagez sur :
François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.