(2) Tombeau vide et croix nue

Découvert récemment, un papyrus du IInd siècle retrace les faits et gestes des premiers disciples depuis la découverte du tombeau vide jusqu’à la Pentecôte. Ce manuscrit rapporterait le témoignage même de Matthias, disciple du Seigneur, celui qui sera appelé à devenir Apôtre (Ac 1,25) [1. Pour plus de renseignement vous pouvez télécharger l’article (en français) paru récemment dans la revue Christian Archaeology.].

Victorine Nordenswan,1861

Chapitre 2

L’affaire était trop grave pour attendre à la maison. Sortant dans Jérusalem, dans laquelle je me terrais depuis deux jours, je me rendis au tombeau. A peine avais-je fait cent mètres que j’aperçus Simon-Pierre qui revenait, le pas lourd. « Alors ?, lui ai-je demandé, c’est vrai ? ». Simon-Pierre ne répondit rien. « Mais qu’est-ce qui s’est passé là-bas ?» insistais-je. Doucement, il se mit à raconter, comment il avait trouvé le tombeau : le corps de Jésus qui n’était plus là et les linges pliés, et le suaire roulé et rangé à part… Mon cœur battait de plus en plus fort. Avec cette description, je savais désormais que le pillage ne pouvait être possible : un voleur n’aurait pas pris le soin de ranger les linges du défunt. Mais cela ne me rassurait en rien, car il me fallait désormais croire à l’impossible et à cet instant, j’en étais encore incapable.

Je poursuivis ma route. Ce n’était plus le mystère de ce tombeau vide qui me tordait alors les boyaux, mais cette marche vers ce Golgotha, ce lieu auquel je n’avais pu me rendre. En apercevant les croix, ma gorge se serra : elles me rappelaient celui que j’avais abandonné. J’avais du mal à avancer et je ne pus retenir mes larmes. Vomir était la seule chose dont j’étais capable, vomir ma lâcheté, vomir la mort atroce de celui  que je n’avais pu suivre jusqu’au bout. Trois années d’amitié réduites à néant.

Une main vint se poser sur mon épaule. « Ça va ? ». Me retournant j’aperçus l’autre disciple[2. Tout comme l’évangile de Jean, le manuscrit de Matthias ne mentionne jamais son nom.] qui avait accompagné Simon-Pierre. « Tu as vu ? » lui demandais-je. « Oui, Matthias, me répondit-il et je crois qu’il y a là, quelque chose qui nous dépasse. » Comme il m’accompagnait vers le lieu du mystère, la magdaléenne arriva vers nous en criant : « Je l’ai vu ! Je l’ai vu ! Là, tout prêt, il m’a parlé ! ». « Tu es sûre que c’était lui ? » lui demandais-je. « Je ne l’avais pas reconnu tout de suite, dit-elle, Mais c’était bien lui.  Et il m’a chargé de vous dire : je monte vers mon Père et votre Père[3. Le texte de Jn 20,17 ajoute : vers mon Dieu et votre Dieu.]. » J’ai couru alors pour le voir, mais je n’ai trouvé personne.

Quand je revins à la maison, le débat faisait rage entre Pierre, André son frère et les fils Zébédée : Est-il vraiment ressuscité ? Comment un homme peut-il revivre après le supplice de la croix ? Pourquoi ne nous rejoint-il pas ? Etait-ce bien lui ou quelqu’un qui lui ressemble ? Que signifie ‘monter vers mon Père’ ? Ne serait-ce pas son fantôme ? Chacun y allait de son explication. Et moi, je me disais : Pourquoi elle ? Si c’est lui, pourquoi s’est-il manifesté à cette magdaléenne, et non pas à tous : aux grands-prêtres, à Pilate, à Pierre… à moi ! Tout cela n’avait aucun sens.

Commentaire

papyrus

Tous les évangiles s’accordent sur ce point[4. Sauf Luc qui relate la première manifestation aux disciples d’Emmaüs.] : le Christ est apparu en premier lieu aux femmes et à Marie de Magdala [Mt 28,9 ; Mc 16,9 ; Lc 24,11 ;  Jn 20,11]. N’aurait-il pas été plus efficace de se manifester aux grands-prêtres, à Pilate plutôt qu’à des femmes, dont on sait, à l’époque, le peu considération à leur égard ? Or, c’est à celles qui se trouvaient au pied de la croix, que Jésus ressuscité se manifeste. Non parce qu’elles méritaient de l’avoir suivi jusqu’au bout, mais parce que, à cet instant, elles sont les seules à pouvoir faire le lien entre la Résurrection et la Croix. La Résurrection n’est pas une histoire de preuves ou de ‘merveilleux’… mais de sens, le sens d’un amour donné jusqu’au bout que même la mort n’a pu éteindre. C’est le sens de toute la vie du Christ, une vie éternellement donnée. Ainsi les derniers témoins de la Croix sont aussi les premiers témoins du Ressuscité.

Anna Mashal

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

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