La découverte du papyrus

En décembre 2011, la revue Christian Archaeology [lire en PDF] relatait la découverte importante d’un papyrus du IInd siècle, appelé le manuscrit de la Pentecôte ou de St Matthias. Aujourd’hui traduit entièrement, il apporterait un témoignage éclairant sur la vie des premiers disciples de Jésus. L’auteur de ce document se présente comme étant Matthias, disciple du Seigneur, celui qui sera appelé à devenir Apôtre (Ac 1,25) . Ce manuscrit retrace les faits et gestes des premiers disciples depuis la découverte du tombeau vide jusqu’à la Pentecôte.

L’archéologue hispano-israélienne, Anna Mashal, archéologue et spécialiste du Nouveau Testament à l’Université Catholique d’Orihuela (Espagne), nous en offre sa traduction et ses commentaires.

télécharger son article (en français) paru récemment dans le magasine Christian Archaeology Review.

Découverte : le manuscrit de l'apôtre Matthias

Découvert récemment par l’archéologue hispano-israélienne Anna Mashal (A.M.), un papyrus datant de la fin du 1er siècle pourrait être l’œuvre d’un premier disciple de Jésus. En très bon état de conservation, ce document présente le témoignage d’un certain « Matthias, disciple du Seigneur » racontant les faits qui se sont déroulés depuis la crucifixion du Christ jusqu’au jour de la Pentecôte. Un témoignage unique qui pourrait être l’œuvre de l’Apôtre ayant remplacé Judas (Ac 1,26) comme le pense l’archéologue.

 

C.A.r. : Comment ce document a-t-il été découvert ?

A.M. : C’est l’histoire d’un heureux hasard. Pour présenter les supports d’écriture des premiers siècle à mes étudiants, je les ai emmenés à la bibliothèque de l’université. Nous avons vu quelques exemplaires de parchemins et des papyrii. Parmi ces derniers, j’ai leur ai montré un manuscrit du V° siècle, le P143, et comprenant les quatorze premiers chapitres du livre des Actes des Apôtres. Lorsque j’ai pris le manuscrit, j’ai remarqué que celui-ci comportait des lettres effacées. Intriguée, je suis revenu le lendemain et j’ai apporté le papyrus à notre laboratoire. Nos outils ont permis de confirmer qu’il s’agissait d’un palimpseste, un parchemin réutilisé. Le premier texte, primitif, s’avère être un récit des évènements entre Pâques et la Pentecôte.

 

C.A.r. : Qui est l’auteur de ce document ?

A.M. : L’œuvre se présente comme étant écrit par un certain Matthias, disciple du Seigneur, mais les œuvres pseudépigraphes sont nombreuses durant les premiers siècles. Le texte a le style d’une autobiographie : l’auteur parle à la première personne et décrit les évènements qui se sont déroulés entre la découverte du tombeau vide et la Pentecôte. Mais le document initial devait comporter des chapitres supplémentaires, sans doute sur la vie de l’Apôtre, car la dernière phrase du manuscrit est incomplète.

 

C.A.r. : D’où provient ce manuscrit ?

A.M. : L’analyse minérale a été effectuée par la méthode PIXE (Particle Induced X-Ray Emission) et nous a permis de dater le papyrus vers les années 70/90. La paléographie a également confirmé l’hypothèse. Le travail de restauration a été déterminant à ce sujet. Nous avons utilisé l’imagerie multi-spectre pour révéler l’écriture effacée. Le texte primitif du parchemin découvert est en grec, un assez mauvais grec même ! Mais il comprend de nombreux aramaïsme. On pourrait même dire qu’il est la traduction littérale d’un document araméen plus ancien. Or ce document primitif existe, du moins en partie, il s’agit d’un fragment de papyrus écrit en araméen et mesurant environ 7cm sur 5. Jusque-là ce fragment, daté des années 50 apr. J.-C. était considéré comme l’extrait d’un texte profane non identifié. Or, il correspond exactement aux lignes 12 à 17 de la colonne V de notre document. On peut ainsi affirmer que le manuscrit de Matthias a été produit entre les années 45 et 55 de notre ère dans un milieu palestinien. C’est le plus ancien document chrétien découvert à ce jour.

 

C.A.r. : Peut-on affirmer qu’il s’agit de l’œuvre de l’Apôtre lui-même ?

A.M. : L’affirmer serait présomptueux. L’infirmer aussi d’ailleurs. Disons qu’entre les faits racontés (entre l’an 28 et 29) et la datation du fragment araméen (qui est peut-être lui-même l’œuvre d’un copiste), il ne s’est écoulé qu’une vingtaine d’années. La difficulté c’est que nous ne savons rien de l’Apôtre Matthias en dehors du livre des Actes. La tradition fait de lui un juif originaire de Bethléem et qui fut lapidé à Jérusalem en raison de sa foi en Jésus-Christ. D’autres traditions font de lui l’Apôtre évangélisateur de la Cappadoce, ou de la Macédoine ou encore de l’Éthiopie… Ce que nous pouvons affirmer c’est que ce document a été écrit par un judéo-chrétien palestinien de la première moitié du premier siècle. Il n’est donc pas improbable que l’auteur soit le ‘treizième apôtre’ Matthias dont parle les Actes des Apôtres.

 

C.A.r. : Ce document diffère-t-il des témoignages des évangiles et des Actes des Apôtres ?

A.M. : Par son style direct certainement. Mais, ce qui nous a surpris mon équipe et moi, c’est qu’il relate des épisodes similaires aux évangiles canoniques : la découverte du tombeau vide par les femmes, les manifestations du Ressuscité à Marie de Madgala, à deux disciples, à Pierre, à Thomas… C’est pour cela que nous pensions au début à l’ œuvre pseudépigraphe, essayant d’unifié les traditions différentes issus des évangiles. Mais la datation plus tardive des évangiles ne nous permet plus de le penser : il s’agit bien d’une œuvre originale primitive confessant Jésus-Christ Ressuscité, Fils de Dieu. Ce document nous renseigne sur la foi d’une communauté judéo-chrétienne des années 40.

 

C.A.r : Certains déjà doutent quant à l’authenticité de ce document.

A.M. : Oui, et je leur donne raison. Je n’ai moi-même pas écarté l’hypothèse d’un travail de faussaire au début de mes recherches. La datation du papyrus, de l’encre et l’étude épigraphique, confirmées par la présence du papyrus araméen, ne laissent maintenant plus de doute quant à l’authenticité de ce document. Et même si je suis intimement persuadée que ce manuscrit a été écrit, à l’origine, par un disciple de la première communauté de Jérusalem, contemporain de saint Paul, je reste prudente quant à savoir s’il s’agit d’un témoin oculaire des évènements. Il serait très difficile de l’affirmer avec certitude.

 

Propos recueillis par John Doe.

Sommaire

… Évidemment, ceci est (en partie) une fiction qui, en 14 épisodes, nous conduit du matin de Pâque à la Pentecôte.

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