Découvert récemment, un papyrus du IInd siècle retrace les faits et gestes des premiers disciples depuis la découverte du tombeau vide jusqu’à la Pentecôte. Ce manuscrit rapporterait le témoignage même de Matthias, disciple du Seigneur, celui qui sera appelé à devenir Apôtre (Ac 1,25).

Chapitre 14 (Fin)

Je ne saurais, encore aujourd’hui, décrire avec précision tout ce qui nous est advenu ce jour de la fête des Semaines. Non, que je ne m’en souvienne plus, mais ce que nous avons vécu tient plus de l’indicible. Il est ainsi des expériences si fortes qu’on ne peut raconter sans risquer qu’ils perdent de leur sens.

Ce matin là, comme tous les matins, nous étions réunis pour la prière. Nous goûtions alors à ce silence que nous laissions après les psaumes, avant la prière de Jésus. Comme à mon habitude, à ce moment j’avais les yeux fermés. C’est alors qu’il y eut ce bruit, comme une voix forte ou comme le bruit d’un fort coup de vent. Pourtant, je ne fus pas effrayé. Je devinais, comme autrefois près de la mer de la Araba[1. Cf. épisode 7], sa présence. Je sentais ce souffle rafraichissant, agréable et doux qui m’enflammait de joie. J’avais le cœur brûlant comme lorsque le Christ nous parlait sur les chemins de Galilée et de Judée. Ce jour-là fut, pour nous tous, comme un éveil, comme si tout s’éclairait : sa présence, sa parole, la mission qu’il nous confiait : témoigner en Christ, de ce Dieu qui nous rejoint et vient faire, en nous, sa demeure et son œuvre.

Après cet évènement, alors que nous sortions de la maison, une foule disparate était à la porte. Ils se demandaient quel était ce bruit entendu. Je n’avais nulle envie de leur dire ce que j’avais vécu à l’instant. Auraient-ils d’ailleurs compris ? Je leur parlais de Celui qui nous avait réuni et donné sens à nos vies. Je racontais qu’il fut un homme, Messie et Fils de Dieu, venu apporter le salut par sa croix et sa résurrection. Je vis alors les visages étonnés de ces hommes, de ces femmes. Nous parlions, sans nous en apercevoir immédiatement, dans leur langue, à eux juifs venus de pays lointains.

Il nous faudra du temps pour mettre un mot sur cette manifestation : Esprit-Saint. Cet Esprit de l’amour mutuel qui unissait le entre le Fils et le Père, désormais nous était donné. Une fois de plus, Dieu se faisait don et scellait en nous sa promesse de Salut. Des passants, nous entendant, nous accusaient d’ivresse. Certes nous étions ivres, mais non de vin doux. Nous étions ivres du vin de la Nouvelle Alliance comme leur déclara Simon-Pierre. Il y eut cette manifestation à la Pentecôte, mais ce don de l’Esprit ne cessa jamais par la suite. A ceux qui accueillaient la Parole du Christ que nous proclamions, Il se donnait encore : hommes et femmes, juifs et grecs. Désormais, nous nous savions soutenus par Sa présence agissante, et nous étions devenus serviteurs de sa Parole. Pourtant tout ne fut pas plus facile pour autant, car dès le lendemain [Ici se termine le manuscrit de la Pentecôte.]

Commentaire

Le livre des Actes est lui aussi très évasif sur les évènements et les manifestations de la pentecôte (Actes 2,1-16) : l’usage de l’adverbe comme veut non pas donner à voir, mais suggérer l’expérience divine et spirituelle qu’on fait les disciples du Ressuscité. Le récit de la Pentecôte est celui d’une épiphanie (manifestation de Dieu) qui comme pour Moïse instaure les disciples, en témoins pour le Peuple : comme en Exode, la Pentecôte est suivi d’un discours. Le don de l’Esprit renouvelle, dans la promesse du Christ, l’Alliance de Dieu et de son Peuple ; les disciples unis, tous ensemble en un même Dieu, constituent le point de départ d’une assemblée (Ecclesia/Eglise) renouvelée. Le don de l’Esprit Saint rend effective la prophétie de Jean le Baptiste (Lc 3,16). Ce baptême dans l’Esprit, ce don de Dieu, décrit COMME des langues est le Don de la Parole (Ac 2,14 ; 26,25). Après Moïse et le don de la Loi, voici le temps du don de la nouvelle loi, inscrite non sur la pierre mais dans les cœurs, la Loi de l’Esprit. C’est désormais Dieu qui en Jésus-Christ (selon la promesse d’Ac 1) devient le lieu interprétatif de la Loi, et la communauté des disciples devient ‘Peuple de Dieu’, ‘Assemblée Sainte’, garante de cette Nouvelle Alliance en Christ. Mais le récit de la Pentecôte ne peut se comprendre indépendamment de l’interprétation donnée dans le discours de Pierre (Ac 2,14-39).

« Alors, dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles seront prophètes, vos jeunes gens auront des visions, vos vieillards auront des songes; oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes en ces jours-là je répandrai de mon Esprit et ils seront prophètes. Je ferai des prodiges là-haut dans le ciel et des signes ici-bas sur la terre, du sang, du feu et une colonne de fumée. Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang avant que vienne le jour du Seigneur, grand et glorieux. Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » Ac 2,17-21 ; Jl 3,1-5.

Cette citation du prophète Joël sert à l’interprétation de l’évènement de Pentecôte. Le texte vient rappeler de manière brute, sans détour, cette espérance d’Israël en ce jour du Seigneur (v. 17 & 20), jour de Salut pour ceux qui invoqueront le nom du Seigneur. Ce nom associé au Nom imprononçable du Dieu d’Israël désigne désormais le Fils. Ce Seigneur c’est le Christ qui se révèle comme le lieu même du salut, par sa croix, ce jour où le soleil se changea en ténèbres (Lc 23,44).

Anna Mashal

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

4 commentaires

  1. Bonjour! Je viens de lire les 14 billets. J’ai beaucoup aimé surtout la fin car ça me rappelle ce que j’ai vécu il y a quelques jours. 🙂

    Sylvia

  2. ” Il est ainsi des expériences si fortes qu’on ne peut raconter …” J’ai tout relu. Merci François d’avoir raconté 😉

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