(13) Les pèlerins de la Pentecôte

Découvert récemment, un papyrus du IInd siècle retrace les faits et gestes des premiers disciples depuis la découverte du tombeau vide jusqu’à la Pentecôte. Ce manuscrit rapporterait le témoignage même de Matthias, disciple du Seigneur, celui qui sera appelé à devenir Apôtre (Ac 1,25).

Pectoral du Grand-Prêtre (essai de reconstitution)

Chapitre 13

Dans quelques jours Jérusalem allait célébrer la fête des Semaines. Les pèlerins affluaient venant de Judée et de Galilée, mais aussi de Tyr et de Sidon, depuis l’Égypte ou la Mésopotamie. J’aimais rencontrer ces voyageurs. Ils me parlaient de leur pays lointain, de leur périple, de leur commerce, de leur récolte, ou de leur saison de pêche… Et moi, je n’osais leur raconter celui qu’ils ne connaissaient pas encore. Mais je me réjouissais de les voir, riches et pauvres, venir se rassembler pour célébrer notre Dieu qui nous fit sortir d’Égypte et nous donna sa Loi. J’aimais les accompagner pour leur faire découvrir la ville, l’avancée des travaux du Temple.

Pourtant, ce Temple, malgré sa splendeur trouvait moins en moins grâce à mes yeux. Le faste qui s’y déroulait, m’apparaissait vain. Chaque jour je rechignais à m’y rendre avec les disciples. J’observais le grand-prêtre Caïphe, sa ceinture brodée d’or, son long turban, portant l’ephod[2. Gilet brodé Ex 28,6-14] doré, le pectoral aux douze pierres précieuses[3. tablette carrée ornée de douze pierres précieuses différentes représentant les douze tribus d’Israël. Ex 28,15,30]. Autour du grand-prêtre ne cessait de virevolter cette cour de prêtres ambitieux. Les sacrifices qui s’y déroulaient étaient effectués avec un ordonnancement froid et hautain jeté à la face du peuple.

« C’est l’amour qui me plaît et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes. » nous répétait souvent Jésus, citant le prophète Osée[4. Os 6,6]. Il nous l’avait si bien fait connaître ce Dieu Père plein de miséricorde allant jusqu’à se mêler à la foule des publicains, des pécheurs, des lépreux; ceux-là mêmes qui étaient tenus à l’écart par la mondanité des grands-prêtres et la pureté des pharisiens. Jusqu’au bout, il avait témoigné de cet amour y compris pour ces derniers, et avec plus de vérité que le Grand-Prêtre. Et nous aujourd’hui, nous n’avions plus besoin de ces douze pierres précieuses. Sa Parole et sa chair elle-même étaient son éphod et son pectoral. Je me sentais comme un intrus dans ce Temple. Ma seule consolation, je la trouvais avec les autres disciples, sous le portique de Salomon. Là, loin de ce faste hypocrite, nous croisions ces boiteux, ces femmes, ces pèlerins de la diaspora, ces païens qui craignaient Dieu. Tous en quête d’espérance.

Commentaire

papyrus

Le manuscrit de Matthias se distingue ici sur le témoignage des Actes des Apôtres qui ne montre aucun mépris des disciples pour le culte du Temple. Si à l’origine la fête des Semaines, ou Pentecôte, célébrait les prémices des récoltes et les premiers-nés, au Ier siècle, on l’associait aussi à la célébration du don de la Loi au Sinaï. Comme toutes les fêtes de pèlerinage, la fête des Semaines pouvait attirer des centaines de milliers de pèlerins juifs. Le Temple et ses fêtes représentent un élément important de la foi juive durant la période du second Temple. Le sanctuaire possède un caractère sacré mais aussi eschatologique. Le temple attend la demeure agissante définitive de Dieu en son sein. La fête de la Pentecôte possède également ce caractère eschatologique espérant ce don de la Loi à destination Nations païennes. Le don de l’Esprit, à Jérusalem, mais hors du Temple, viendra manifester cet avènement des temps derniers au sein de la communauté des disciples de Jésus.

Anna Mashal

François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

9 commentaires

  1. @Vieil imbécile – Désolé que votre dernier commentaire paraisse avec retard. Mais, je l’ai trouvé dans le dossier ‘spam’ de mon blog. Je crois que ce dernier n’est pas aussi bienveillant que moi, ou plus provocateur que vous et moi 😉 .

  2. @Vieil imbécile – Effectivement toute la question est là, et je suis en accord avec votre commentaire. Dans le récit, Matthias arrive à un point où il commence à comprendre que le véritable Grand-Prêtre c’est le Christ (cf. L’épitre aux Hébreux). Le voile du Temple s’est déchiré au moment de la Croix. Désormais Dieu ne se révèle pleinement en Christ. Effectivement ce n’est pas le faste qui est condamnable mais le sens qu’on lui donne et sa destination. Je reconnais l’exagération voulue (c’est mon côté provocateur) de l’expression ‘faste hypocrite’… Je ne voulais pas dire que le faste est par définition ‘hypocrite’, mais qu’il peut l’être.

    En l’occurrence, dans le récit, Matthias s’aperçoit d’une certaine fausseté de telles célébrations qui sont ici, de fait, fastueuses. Mais, pour l’excuser, il a encore besoin de l’Esprit Saint pour l’éclairer. Comment peut-il encore célébrer son Dieu, au nom de Jésus-Christ, face à un Grand-Prêtre qui ne le reconnait pas en tant que tel ? A quoi bon encore des sacrifices, quand a eu lieu l’ultime offrande sur la croix ? Là est l’hypocrisie du faste ! Rappelons que le Grand-Prêtre, Caïphe, est un des dénonciateurs de Jésus auprès du pouvoir romain.

    A ce point du récit, Matthias commence à comprendre, qu’il n’est nul besoin de barrière : la cour des païens, la cour des lépreux, la cour des femmes, et au plus près, la cour des croyants purs (et mâles)… le faste, même dans sa simplicité, (c’est un oxymore aussi ?) est au service de la célébration de Dieu Père, par Jésus son Fils et dans la plénitude de l’Esprit Saint. (Amen)
    Et je suis d’accord avec vous pour dire que “le culte peut aussi être pauvre et faux.” Mais dans le Temple il ne pouvait être ‘pauvre’.

  3. Evidemment, face à tant de citations, je demeure immobile, et mon âme cède au coup qui me tue…
    Non, ce qui me gênait dans le ‘faste hypocrite’ c’est que cet oxymore (le faste est ce qu’on montre, alors que l’hypocrite se cache) me semble passer un peu à côté des déviances des deux termes. Le faste ne me semble pas condamnable en lui-même s’il est donné entièrement à Dieu. D’une manière un peu plus polémique l’hypocrisie n’est pas condamnable en elle-même si elle révèle le décalage qu’il y a entre nos paroles et nos actes : en général nos paroles (spécialement pour les homéliants, mais ça nous concerne tous) s’approchent plus du Bien que nos actes ; et ce décalage devrait nous permettre progressivement de faire converger nos actes vers nos paroles (c’est le côté personnellement engageant de la parole).
    Naturellement si le faste n’honore Dieu qu’en apparence et en réalité nous transforme nous-même en idole ; si l’hypocrisie permet d’agir peccamineusement tout en gardant l’apparence de la respectabilité ; il nous faut les dénoncer, il nous faut nous dénoncer.
    C’est en ce sens qu’il me semble que les deux termes ne devraient pas être accolés. Le culte peut aussi être fastueux et vrai. Le culte peut aussi être pauvre et faux. Non ?

  4. @Vieil imbécile – Il y a parfois de bonnes traductions dans la Bible Bayard ! 😉

    Il vrai que le manuscrit n’est pas canonique. Cependant l’hypocrisie du culte et de son faste est dénoncée par bien des prophètes, voici quelques extraits :
    (Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite, quoique… j’ai les noms !)

    Mt 15,7-8 Hypocrites ! Isaïe a bien prophétisé de vous, quand il a dit :
    Ce peuple m’honore des lèvres, mais leur coeur est loin de moi. (Is 29,13)

    Is 1,13 N’apportez plus d’oblation vaine : c’est pour moi une fumée insupportable! Néoménie, sabbat, assemblée, je ne supporte pas fausseté et solennité.

    Jr 2,8 Les prêtres ne disent pas: «Où est le SEIGNEUR?» Ceux qui détiennent les directives divines ne me connaissent pas. Les pasteurs se révoltent contre moi. Les prophètes prophétisent au nom de Baal et ils courent après ceux qui ne servent à rien.

    Jr 5,30-31 Une chose désolante, monstrueuse, se passe dans le pays:
    les prophètes prophétisent au nom de la Fausseté, les prêtres empochent tout ce qu’ils peuvent et mon peuple en est satisfait. Mais que ferez-vous après cela?

    Ml 2,1-3 Maintenant, à vous, prêtres, cet avertissement: Si vous n’écoutez pas, si vous ne prenez pas à coeur de donner gloire à mon nom, dit le SEIGNEUR le tout-puissant, je lancerai contre vous la malédiction et maudirai vos bénédictions. – Oui, je les maudis, car aucun de vous ne prend rien à coeur. Me voici, je vais porter la menace contre votre descendance. Je vous jetterai du fumier à la figure, le fumier de vos fêtes; et on vous enlèvera avec lui.

    etc.

  5. Bon pour l’avant dernier, il faut quand même que je te dise… Matthias, il raconte bien et tu sais pourquoi? Parce qu’il le fait avec un”je” qui dit ses tripes, son coeur, sa Foi et ça fait écho jusque là. Merci François d’avoir fait cette découverte, je crois même que tu devrais la diffuser plus largement 😉

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