Écoutez ! (4ème dim. Avent)

4ème dimanche de l’Avent (année A)

Durant ces quatre semaines de l’Avent, nous écoutons les textes de la liturgie à travers le prisme des cinq sens. Après le toucher, l’odorat et la vue, les textes de ce dimanche nous font part de paroles audacieuses et bénéfiques … à condition de se mettre à leur écoute.

Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre dit l’adage. Cette surdité est souvent synonyme d’obstination, d’orgueil mais parfois de peur.

Isaïe, Raphaël, Basilique saint Augustin, Rome, 1512

Une parole pour le roi Acaz

Avec le roi Acaz, descendant du roi David, la première lecture nous renvoie au VIII°s. avant Jésus-Christ. Nous sommes à Jérusalem et le royaume de Juda doit faire face à la coalition des rois de Damas et d’Israël qui marchent vers la ville pour renverser le trône d’Acaz. La guerre est proche, la dynastie davidique est en danger. Même à Jérusalem, beaucoup voudrait changer de roi et de dynastie. Acaz est en danger. Le Seigneur, par l’entremise du prophète, va alors trouver le roi pour lui annoncer qu’il n’a rien à craindre de la menace.

Au temps d’Acaz,…, roi de Juda, Recine, roi d’Aram, et Pékah… roi d’Israël, montèrent contre Jérusalem pour l’attaquer… On informa la maison de David que les Araméens avaient pris position en Éphraïm. Alors le cœur du roi et le cœur de son peuple furent secoués comme les arbres de la forêt sont secoués par le vent. … Le Seigneur dit alors à Isaïe : va trouver Acaz,Tu lui diras : “ … Ainsi parle le Seigneur Dieu :… Garde ton calme, ne crains pas ne va pas perdre cœur … à cause de la colère brûlante du roi d’Aram et du roi d’Israël. … Cela ne durera pas, ne sera pas…” » Is 7,1-9

Ce contexte est important pour saisir la portée de l’attitude d’Acaz lorsque le prophète s’adressera à lui cette seconde fois :

Le Seigneur parla encore ainsi au roi Acaz : « Demande pour toi un signe de la part du Seigneur ton Dieu, au fond du séjour des morts ou sur les sommets, là-haut. » Acaz répondit : « Non, je n’en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve. » (Is 7, 10-16)

Antonio Balestra, Isaïe, XVIIIe

Acaz le sourd.

« Demande pour toi un signe ». Ce n’est pourtant pas n’importe quel quidam qui parle au roi, c’est le Seigneur par la bouche de son prophète Isaïe, un prophète reconnu ayant sa place à la cour royale. Dieu parle à Acaz, un roi s’adonnant à l’idolâtrie. Et pourtant le Seigneur s’adresse à lui. Demande un signe… Non j’en demanderai pas ! Refuser d’entendre la parole du prophète équivaut ainsi à refuser d’écouter la parole de Dieu. Dieu lui offre un signe, c’est-à-dire un signe de son action favorable envers Juda et la défaite des armées ennemies. Pourquoi refuser ?

Non, je n’en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve.  Cela peut paraître un bon argument, du moins en apparence. Mettre le Seigneur à l’épreuve c’est douter de sa présence et exiger des signes venus du ciel, à boire, à manger, comme au temps de Moïse et de l’Exode.. Les fils d’Israël avaient cherché querelle au Seigneur, et l’avaient mis à l’épreuve, en disant : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » Exode 17,7. Acaz, l’impie, serait-il devenu croyant et respectueux du Seigneur ? Pas si sûr.

Car ici, Acaz refuse de se soumettre à l’impératif de la Parole de Dieu : « Demande pour toi un signe ! ». Le roi refuse, il reste dans son obstiné découragement en arguant de mauvais prétextes. L’instant est pourtant dramatique pour le peuple et pour Acaz qui risque la mort. Face à la menace ennemie, il n’entend pas l’Espérance que Dieu lui fait apercevoir. Le signe aurait permis à celle-ci d’être clairement identifiée. Mais Acaz n’en veut pas, comme si le signe lui était inutile. Comme si, lui, connaissait la fin, mieux que le Seigneur, et sourd aux murmures d’espérance. Il n’y pas pire sourd que celui qui ne veut entendre.

 Écoutez, maison de David !

Isaïe dit alors : Écoutez, maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu ! C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : (Is 7, 10-16)

Dieu parle, mais Acaz n’entend pas. Dieu parle et peu l’écoutent. Et que c’est fatigant de parler et sans être écouté, sans être pris au sérieux un tant soit peu… Il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu… à cause de votre surdité. Le prophète renvoie Acaz à son manque de foi.

Car écouter le Seigneur, c’est prendre le risque d’être remis en cause, de recevoir une parole qui ne nous convient pas à notre idée, voire à notre idéologie. Qu’elle vienne de Dieu ou des hommes, on choisit, soi-même, la parole “ad-hoc” en privilégiant celle ce qui nous flatte et nous conforte. Et l’on préfère se mettre à l’écoute des bruits, de rumeurs et du mensonge tant qu’ils confirment ‘ce que je pense’ et servent notre ego… Il n’y a pas pire sourd qui ne veut entendre.

Écoutez !

Écoutez ! C’est un impératif maintes fois répété dans Bible. Un doux impératif qui veut nous faire tendre l’oreille à une parole : celle d’un Dieu qui veut le bien des enfants, de son peuple. Non pas faîtes ceci ! Ni dites cela ! Mais d’abord « écoutez ! », comme une invitation, à exister face  à lui et à s’entendre.

Voici que la vierge est enceinte, Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous). De crème et de miel il se nourrira, jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien. Avant que cet enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, la terre dont les deux rois te font trembler sera laissée à l’abandon. (Is 7, 10-16)

Isaïe donne à entendre ce un signe ne fait pas de bruit de guerre, ni de troupe… c’est le signe de la naissance d’un enfant, celui du roi Acaz : sa dynastie sera assurée. Mais l’enfant est aussi un signe du salut de Dieu, d’un Emmanuel Dieu-avec-nous.

En entendre plus sur l’Emmanuel :

Joseph l’attentif

… L’ange du Seigneur, lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » … Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.

A l’opposé d’Acaz, il y a notre ami Joseph : lui est est un homme juste. Il est à l’écoute des commandements du Seigneur. De tous les commandements. Il veut faire la volonté de Dieu … mais ne sait trop comment agir quand Marie est trouvée enceinte.

Anton Raphael Mengs, le songe de Joseph, 1774

Une parole ou un rêve ?

Une parole divine vient en songe. C’est assez biblique, mais elle n’a aucun aspect concret qui donne l’assurance d’avoir un interlocuteur visible, de chair ou non, face à soi. Et cette parole de l’ange lui demande bien des efforts et des sacrifices : celui de prendre un autre chemin que la Loi pour suivre la volonté du Seigneur. Celui d’accueillir ce divin enfant et de devenir son père.

Ça fait joli sur un tableau ou dans les saynètes de Noël. Mais le récit est dur. Joseph écoute des paroles qui lui demandent de bouleverser totalement sa vie : une vie qu’il n’avait pas choisi au départ. Et si encore le récit s’arrêtait là, mais l’évangéliste Matthieu fera intervenir plusieurs fois, l’ange du Seigneur auprès de Joseph : il devra ainsi s’exiler en Égypte avant de s’installer non sur la terre de ses pères, à Bethléem, mais dans une bourgade sans renom, là bas, en Galilée… Le projet de vie initial est totalement chamboulé.

Et Joseph écoute la Parole. Il ne dit pas un mot, comme s’il acquiesçait. Il écoute cette parole jusqu’à l’accepter. Et cela moins pour lui-même, nullement pour son ego, mais parce qu’il sait que celle-ci sert le projet de Dieu et le bien tous, tout autant que son bonheur.

En entendre plus sur Joseph :

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