Rencontre #14 … La fraternité à l’épreuve de l’amour

Vendredi (2e sem. de Carême)

Jacob aimait Joseph plus que tous ses autres enfants, parce qu’il était le fils de sa vieillesse, et il lui fit faire une tunique de grand prix. En voyant qu’il leur préférait Joseph, ses autres fils se mirent à détester celui-ci, et ils ne pouvaient plus lui dire que des paroles hostiles. (Gn 37,3…28)

Nous parlons souvent, en Église, de fraternité et d’amour, en associant bien souvent les deux termes, comme si cela allait de soi : la fraternité serait même un mot synonyme d’amour. Or Joseph vient nous rappeler que si la fraternité est donnée, l’amour reste encore à construire et à recevoir.

Anna Bilińska-Bohdanowiczowa, Joseph sold by his brothers, 1883.

Soyons francs, Joseph est le petit dernier, le chouchou gâté à son papa, qui n’hésite pas à donner des leçons à ses grands frangins. Bref, une tête à claque, jalousé à mort par ses frères. Il faut dire que depuis Caïn et Abel, il n’est pas bon d’être frères : la fraternité suscite en son sein jalousie et meurtre. Ainsi en est-il de l’histoire de Joseph, du moins à ce stade du récit.

Paradoxalement, c’est l’amour qui est ici à l’origine de la haine fraternelle : Jacob aimait Joseph plus que tous ses autres enfants. Aimé plus qu’eux : voilà le tort de Joseph. Refuser cet amour privilégié, voilà l’erreur des frères. Ils regardent l’amour comme un revenu à se partager équitablement : la vente de leur frère en est le signe. Ils ne cherchent pas à comprendre l’amour de Jacob envers l’unique enfant de Rachel, décédée, celle qu’il a tant aimée. Ils semblent insensibles à l’amour d’un père envers l’orphelin de la fratrie. Ces frères, excepté Ruben, se refusent à aimer l’amour du père, à aimer à la mesure du père.

Il faudra attendre la fin de l’histoire de Joseph et ses frères, en son happy-end (Gn 45), pour trouver le vrai chemin de la fraternité, celui des retrouvailles, de la réconciliation et du rassemblement; une fraternité ayant dépassé toute rivalité, toute rancœur.

Dieu-Père aime. Pouvons-nous concevoir, sans jalousie, qu’il aime certains d’entre nous plus autrement que nous-mêmes : les plus fragiles de nos frères ? Ceux-là mêmes que le Fils, amour incarné du Père, a rejoint. Lui aussi, trahi, vendu, ira jusque sur la Croix rejoindre des hommes de la pire espèce : des malfaiteurs condamnés à mort. Et cela par amour du Père. Il voulait ainsi nous rassembler, tous, nous entraîner dans sa fraternité née de la Réconciliation de la Croix. En lui, nous sommes frères : c’est donné et gratuitement ! En lui, nous sommes rendus capables d’aimer à sa démesure, jusqu’à aimer ses ‘préférés’, nos ‘petits’ frères. Non sans mal, certes.

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

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