Pain de vie (2/5) – La nouvelle manne (Jn 6,24-35)

Dimanche, 18ème Semaine du Temps Ordinaire – Année B -Évangile selon saint Jean (6,24-35)

Chercher Jésus

En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés.  Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » (6,24-27)

La récolte de la manne, 1470, à la Chartreuse de DouaiLa liturgie a passé outre l’épisode de la marche sur les eaux, et nous voici à Capharnaüm avec la foule à la recherche de Jésus. L’épisode précédent semble avoir quelque peu permis à la foule de changer son regard sur Jésus : il n’est plus le Prophète annoncé par Moïse, ni le futur Roi successeur de David, mais un ‘simple’ rabbi. Ils ne le suivent plus à cause des guérisons mais en raison des pains multipliés. Mais que ce soit ce miracle ou un autre, la foule demeure tournée vers un passé : celui des gestes autrefois accomplis par Jésus. La réponse de ce dernier leur indique une autre direction : l’avenir, celui de l’avènement du Fils de l’Homme – figure du Messie eschatologique[1. Le fils de l’Homme fait référence ici à cette attente de la venue d’un être envoyé par Dieu lors de l’avènement du jugement et du règne de Dieu, selon notamment Dn 7,13.] – et d’une autre nourriture qui rassasie définitivement.

Jésus ne donne pas dans la nostalgie d’un passé souvent magnifié mais ‘perdu’ et dont nous avons à faire le deuil. Il nous tourne résolument vers cet avenir qu’il vient éclairer et nourrir. Il nous faut passer d’un savoir sur Jésus (quand es-tu arrivé ici ?) à une rencontre déterminante avec lui et le Père.

A l’œuvre de Dieu

Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? »  Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »  Ils lui dirent alors :« Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » (6,25-33)

Ambrosius Francken, La multiplication des pains et des poissons,16ème s.Tout serait-il dans le “faire” et la nourriture éternelle, promise, un salaire dû, une récompense en fonction de nos mérites ? Jésus inverse la proposition, l’œuvre de Dieu devient première et le ‘faire’ devient ‘croire’. L’accueil de l’envoyé du Père devient non une récompense mais une priorité nécessaire. Goûter une nourriture qui demeure, qui rassasie à jamais n’est pas de l’ordre d’une juste rémunération, mais une conséquence. C’est n’est pas l’homme qui monte vers Dieu à la force du poignet, mais Dieu qui prend l’initiative de ‘descendre du ciel’ pour donner vie à celui qui croit. C’est Dieu qui agit en premier, comme un bon Père aimant, et non pour les plus méritoires de ses enfants, mais pour donner vie au monde, à tous. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle Jn 3,16.

Nous pouvons avoir le sentiment – justifié ou non – d’être imparfaits, pécheurs, ou de ne pas être à la hauteur face à Dieu. C’est vrai et nous ne pourrons jamais l’être même avec les efforts les plus pieux et les plus charitables. Être à la hauteur suppose que nous nous abaissions en laissant l’œuvre de Dieu, par le Christ, agir en nous en sa parole, son pardon, et son amour livré. Cela demande une certaine dé-maîtrise, une humilité.

Donne-nous toujours

Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » (6,34-25)

La foule semble avoir compris. Leur question rejoint celle de la Samaritaine à Jésus :  Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. Jn 4,15 … Une nouvelle manne est attendue, permanente et définitive. Si Dieu a sauvé son peuple de la faim durant le temps de l’Exode, voici que s’annonce désormais une nourriture plus vitale encore que l’aliment, car l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur (Dt 8,3). Ce pain de la vie, de la parole de vie désigne la faveur de Dieu pour ses fidèles, sa présence actuelle et créatrice au sein de son Peuple pour le consoler, le renouveler et le combler généreusement de bénédictions. Jésus se propose ici comme source et don gracieux pour ce bonheur impérissable.

Il y a bien ces petits bonheurs, ces petits plaisirs, parfois illusoires, dont nous savons nous réjouir. Mais nous savons aussi que même ces petites joies passent et finissent dans le tiroir nostalgique des souvenirs, jusqu’à la saison prochaine, peut-être. Alors, sur quoi construire un bonheur véritable et durable ? ou plutôt avec qui ? Et puisque le Christ s’affirme comme ce pain de Vie descendu du Ciel, il nous demande aussi de venir à lui : ce qui suppose quelques déplacements, quelques conversions.

à suivre



 

François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio