Désert 1 – Poussière de désert et Éden de vie (Gn 2)


Aucun buisson n’était encore sur la terre, aucune herbe n’avait poussé (Gn 2,5)

Mercredi des cendres

En ce mercredi, le rite des cendres sera accompagné de cette parole « convertissez-vous et croyez à l’évangile » ou bien « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. »

Cette phrase est riche de sens. Elle évoque à la fois la création de l’homme : Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. (2,7) et sa chute, sa finitude : C’est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens ; car tu es poussière, et à la poussière tu retourneras. (3,19)

Le second récit de la création et de la chute (Gn 2-3) nous amène au premier désert bien que le mot désert n’y apparaisse pas, le récit de Gn 2 nous le décrit :

Gn 2, 4 Telle fut l’origine du ciel et de la terre lorsqu’ils furent créés. Lorsque le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, 5 aucun buisson n’était encore sur la terre, aucune herbe n’avait poussé, parce que le Seigneur Dieu n’avait pas encore fait pleuvoir sur la terre, et il n’y avait pas d’homme pour travailler le sol.6 Mais une source montait de la terre et irriguait toute la surface du sol. 7 Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé.

Lucas Cranach l'Ancien, Adam et Eve, 1533

Né poussière

Les récits de création ressemblent à des paraboles. Ils ne veulent pas décrire un passé historique, mais répondre à une question : Dieu a-t-il mis l’Homme sur terre pour qu’il souffre, meurt, connaisse la famine ou l’injustice… Selon Gn 2, avant l’intervention de Dieu, il n’y a qu’un désert qui ne produit rien, aucun buisson, aucune herbe, aucune pluie. L’homme est alors un être créé à partir de la poussière de ce désert, il n’est qu’une poussière de rien. Il n’est rien tant que le souffle de Dieu ne lui donne vie et cela sans raison, gracieusement. Dieu donne à cet homme de poussière une part de lui-même, et pour l’homme il fera tout. Un de mes étudiants un jour eut cette réflexion à propos de Gn 2 : « Dieu, dit-il, se met en quatre pour le bien de l’homme » Effectivement, il se fait potier pour le créer, pépiniériste pour son jardin, puis arboriculteur pour son repas, zoologue, chirurgien, et à la fin du chapitre 3, il se fera couturier.

Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable et aux fruits savoureux ; Dieu modela toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel, …. Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux, et l’homme s’endormit. Le Seigneur Dieu prit une de ses côtes, puis il referma la chair à sa place…. Avec la côte qu’il avait prise à l’homme, il façonna une femme et il l’amena vers l’homme….L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme – Ishsha –, elle qui fut tirée de l’homme – Ish. » (Extraits de Gn 2,8…23)

La Genèse affirme donc que Dieu se met en quatre pour que l’homme vive. La première chose qu’il donne à l’homme, outre son souffle, ce sont ces arbres décrits d’abord pour leur beauté : ils sont désirables dans leur aspect… La contemplation précède ici la consommation des biens de premières nécessités que sont les fruits savoureux. C’est beau avant d’être bon. Dieu nous ouvre au regard. Nous sommes d’abord créés pour contempler sa création. En sa bonté, Dieu ne cesse de donner : la création s’emplit des animaux pour le bonheur de l’homme. La création de la femme est le sommet du don. L’homme ne peut être heureux en vivant seul, c’est-à-dire isolé d’autres êtres humains qui lui sont semblables et différents. Il est Ish, elle est Isha. Elle est de lui, mais non à lui. Elle est face à lui et ce vis-à-vis l’ouvre à la parole. L’être humain ne peut vivre sans parole, sans dialogue, sans louange. Ainsi, ce couple parachève le récit de la création. Le désert est loin. Le jardin de l’Eden – terme qui signifie délice – est donné pour ce couple humain.

Celui qui n’était que poussière doit son bonheur aux dons multiples et généreux de Dieu : la beauté, la bonté, la création vivante et ce vis-à-vis qui l’ouvre à la parole. Cet Eden, cette espace de Délices, est un lieu de profusion de vie et de bonheur. Une question demeure : pourquoi ne vivons-nous plus cet Eden et sommes-nous revenu dans l’âpreté du désert ou d’un Éden ? Pourquoi devons-nous retourner à la poussière, c’est-à-dire dans une situation de manque, de fragilité, et une condition mortelle. Gn 3 répondra à cette question.

Retour à la poussière

La faute a causé une rupture et un déséquilibre entre l’homme et Dieu mais aussi au sein du couple, et avec la création… Mais est-ce une fatalité ?

Avec ce récit de poussière et de désert, ce jour des cendres, nous avons à regarder avec lucidité nos fragilités, nos vies mais non pour « faire le ménage , nous débarrasser de nos poussières (par nous mêmes) car nous sommes « poussières ». Ces quarante jours nous permettent de prendre conscience de nos fragilités et de notre finitude, comme de tout ce qui nous éloigne de cet Éden, de ce bien, de cette beauté, de cette bonté que Dieu veut pour nous.

Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en ( à la ) poussière. C’est un fait. Mais avec cet inévitable « retour à la poussière », il y a aussi l’espérance en un Dieu capable de faire surgir une oasis en plein désert, capable de donner vie à ce qui n’est que poussière.

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio