Capita-listes de Noël !

Non, promis je ne vous ferais pas la petite morale que Noël, c’est le partage, l’amour, la naissance du petit Jésus, Dieu fait pauvre parmi les pauvres, etc (je garde mon discours ‘bisounours’ pour plus tard – l’Avent n’est pas fini.) Mais ce message d’une société commerciale bien connue (cf. image), m’a fait sortir de ma torpeur et de mon cyber-silence. Rien d’étonnant en soi, depuis des lustres on est habitué à ce genre de discours marketing. Mais voilà,  nous avons suivi l’étoile bien des débats sur la laïcité, sur la place privée des religions dans notre société. Nous avons, depuis plusieurs mois, vu et lu la naissance de Jésus du(des) mouvement(s) des “indignés” à travers le monde.   Or, je trouve que ce petit message de la FNAC (Fête Noël Avec ton Chéquier ?) nous dit bien des choses sur une société ambigüe, ambivalente, confuse, contradictoire ? Comment dire … Bref (pour reprendre un mot à la mode), les mouvements laïques et ‘indignistes’ ne sont-ils pas finalement plus religieux et plus capitalistes qu’ils ne le désavouent ?

Société laïque et théocratie pèrenoëliste.

Car paradoxalement notre société, qui se revendique laïque, n’est-elle pas en train de basculer vers un nouveau culte : celui du Père Noël ? J’exagère peut-être, mais si pour beaucoup de nos contemporains (et sont-ils si nombreux que ça d’ailleurs ?)  les religions, sinon dangereuses, seraient une superstition à usage strictement privé, jamais on n’avait voué un si grand culte à un dieu.  La représentation ou les icônes du père Noël s’affichent de manière ostentatoire dans toutes les vitrines, les maisons, les mairies… Et chaque jour à l’école (même laïque et républicaine), chaque soir dans les foyers, on raconte son histoire, sa venue, sa nuit apportant des ‘joujoux par milliers’. Parfois certains parents déposent dans les bras de ce nouveau dieu, trônant,  leurs enfants comme pour obtenir de lui bénédiction, protection… Les rites publiques pèrenoëliens envhahissent nos rues, nos maisons : illuminations, sapins… en l’honneur de la grande fête qui lui est dédiée.
Religion (n.f.) Ensemble déterminé de croyances et de dogmes définissant le rapport de l’homme avec le sacré. Ensemble de pratiques et de rites spécifiques propres à chacune de ces croyances.
Oui on peut ainsi qualifier de religion le pèrenoëlisme, voire de religion officielle et de théocratie : car malheur à qui abjurerait ! Si des protestations s’élèvent contre le fait d’afficher sa pratique autrement religieuse publiquement, tenue vestimentaire comprise, les hommes portant des vêtements de père Noël, symbole de la religion officielle, ne sont nullement inquiétés, même s’ils entrent ainsi dans une administration de la République. Et qui oserait dire au monde la vérité sur l’inexistence du Père Noël ?  Pas même un reportage de France 2, pas même une émission d’Arte ne se risquerait à une telle révélation… sous peine d’être brûlé sur la place publique. Une institutrice britannique hérétique s’y était aventurée, bien mal lui en a pris.

Le père Noël est en or dur !

Le pèrenoëlisme est une religion d’état, obligatoire, et chaque année, à la même date, on l’honore des mêmes sacrifices : une partie de nos comptes en banque est offert en vue de cadeaux, repas… Et on ne contrevient pas à la règle : Noël, c’est sacré ! Or, il n’y a pas de religion sans pratique, sans code éthique, sans lieu de culte. Ainsi, tous iront faire leurs dévotions chez LEC/AUCH/HYPRU/KARF … zyeutant dévotement les rayons des jouets, lisant pieusement la liste de Noël de leurs mômes chéris, sacrifiant leurs économies qu’ils avaient soigneusement placés en banque… du cadre au chômeur, de l’écolo de gauche au militant FN, … Tous et toutes nous pourrons les rencontrer lors d’une procession de caddies. Fondamentalement, le pèrenoëlisme est une religion populaire et fédératrice, mais coûteuse…  Et c’est là ma deuxième question.  Derrière ce récent mouvement des ‘indignés’ ou d’autres mécontentements de ce genre contre ce monde capitaliste, les banques, les sur-primes des grandes entreprises, les agences de notation…  ne se  cacherait-il pas une peur de ne plus pouvoir sur-consommer et ainsi-dieusement ne plus pouvoir offrir un culte digne à leur dieu au risque de s’en attirer les foudres. (Je délire, je sais.)  Mais à regarder les rayons de nos magasins, les tracts, affiches et autres supports publicitaires, tout nous oriente vers une divinité unique et pécuniaire, dont les grands prêtres du marketing attendent une manne à l’aune de nos expiations monétaires.

Loin de moi, de dénoncer une nouvelle idolâtrie (quoique…), de dénigrer tous les “indignés”, ou le consumérisme de Noël, et encore moins de regretter une France de la chrétienté (qui n’a véritablement jamais existée) : tel n’est pas (tout à fait) mon propos. Je voulais relever une certaine incohérence de nos sociétés où certains anticapitalistes deviennent tout aussi consuméristes que les autres à l’occasion des courses de Noël, où des plus athées de nos contemporains se refusent à combattre une superstition rouge et blanche inventée par Coca-Cola. Bref :  je me marre ! Et je me demande : sommes-nous aussi libres que nous le proclamons ? Et qui osera fêter Noël autrement ?

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

3 commentaires

  1. @Cybersister – ‘Petit coup de gueule’? Même pas. Et si l’on peut se désoler d’une telle situation, moi je me dis, in fine, que fêter Noël, goûter au vrai sens de cette fête ne dépend nullement de la longueur de nos tickets de caisse [Oh les craignos qui se sont fait avoir !!].
    Et comme le disait déjà Jérémie :

    Ces idoles sont comme un épouvantail dans un champ de concombres; elles ne parlent pas; il faut bien les porter, car elles ne peuvent marcher. N’en ayez aucune crainte: elles ne sont pas nuisibles, mais elles ne peuvent pas davantage vous être utiles. Jr 10, 5-6.

  2. Cette sortie de ton cyber-silence fait plaisir ! Heureuse de te retrouver ici !
    Ce petit coup de gueule ma rappelle (je l’ai déjà dit ailleurs, mais tant pis, je trouve ça tellement aberrant) l’affiche que j’avais faite l’année dernière pour un spectacle de Noël (dans une église) sur laquelle on m’avait reproché d’avoir mis une crèche ! Et puis, aussi, des gens qui refusent, dans une chorale, de chanter des chants de Noël dans lesquels il est question de Jésus, de nativité, de tout ce qui pourrait évoquer la religion…
    Tu as raison, Noël c’est tout sauf la naissance de Jésus. Mais moi, j’ai un peu de mal à me marrer… 😉

  3. Je me marre aussi…enfin, j’aimerais rire mais finalement je ne suis pas loin d’être de ceux-là, de tous, même si j’ose maintenant ne plus demander de listes aux neveux et nièces et proposer du “temps passé avec eux” en cadeau, faire de Noël une vraie veillée de prières et fuir les centres villes gargantuesques…mes enfants sont grands mais eux aussi, ils ont cru au père Noël. Merci de ce billet 🙂

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