Désert 33 – David alla demeurer au désert (1S 23)

Mais qu’allait-il faire dans ce désert ? Pour mémoire nous sommes donc avec le futur roi d’Israël et Juda. De manière privative, il a reçu l’onction du prophète Samuel (1S 16), puis, au service du roi Saül, il devint victorieux de Goliath et des Philistins. Cependant ses succès suscitèrent la jalousie et la méfiance du roi qui voit en David son rival (1S 17-18).

Guercino, Saul et David, 1646

David en fuite.

David alla demeurer au désert dans des refuges ; il demeura dans la montagne, au désert de Zif. Nous dit 1S 23,14.

Malgré les multiples interventions des enfants du roi, Jonathan et Mikal (1S 19-20), la colère du souverain est telle que David et ses compagnons d’armes sont obligés de fuir loin de Jérusalem face aux ruses et complots mortifères du roi Saül à son égard. David s’exilera dans les refuges (litt. des monts escarpés) du désert de Judée, au sud d’Hébron, aux alentours de Zif (1S 23,14) jusqu’au bord de la mer Morte, à Ein Guedi (1S 24,1), 25km plus à l’est. Bref, David est un homme en fuite que Saül recherche sans cesse pour l’éliminer.

David alla demeurer au désert dans des refuges ; il demeura dans la montagne, au désert de Zif. Pendant tout ce temps, Saül ne cessa de rechercher David, mais Dieu ne le livra pas entre ses mains. David s’aperçut que Saül s’était mis en campagne pour lui ôter la vie. 1S 23,14-15.

Certes ce désert de Judée n’est pas le grand espace désertique du Néguev, ni celui du Sinaï. Les villages de bergers sont à proximité. Dans sa jeunesse, le désert fut son espace de pâturage : Éliab, son frère aîné, l’entendit qui parlait avec les gens. Il se mit en colère contre David et dit : « Pourquoi donc es-tu descendu ? À qui as-tu laissé ton maigre troupeau dans le désert ? 1S 17,28. Le lieu de vie est désormais pour David un lieu de fuite et de survie. Paradoxalement, pour se protéger du Mal et de la mort, David doit se réfugier dans ces déserts dont nous avons vu qu’ils sont associés, parfois au monde des démons ou aux épreuves. Ici, le désert devient pour David et ses compagnons, un lieu de résistance et de survie, tandis qu’à l’extérieur, sous le pouvoir du roi Saül, le territoire est associé à la mort, à la vengeance ou aux Philistins païens. Tel un animal traqué jour et nuit, David n’a qu’une issue : ces refuges du désert de Judée.

Gerard van Honthorst, le Roi David jouant de la harpe, 1622

Mais que fait Dieu ?

N’a-t-il pas autrefois choisit David pour lui donner la royauté à la place de Saül ? Pourquoi n’agit-il pas en faveur de son oint, par des signes et des prodiges comme il avait agi en faveur de son peuple poursuivi par Pharaon ?

Dans les livres de Samuel et des Rois, le Seigneur n’est pas absent. Il fait résonner sa parole par la bouche de ses prophètes comme Samuel. Il n’est pas absent, son action est autrement efficace, elle se fait discrète : Saül ne cessa de rechercher David, mais Dieu ne le livra pas entre ses mains. Sans éclat, sans prodiges fulgurants, Dieu est auprès de David comme il l’était depuis le combat contre Goliath (1S 17).

Car David est un homme docile à la Parole de Dieu, il écoute ses prophètes : David partit de là et se sauva dans la grotte d’Adoullam. […] Le prophète Gad dit à David : « Ne reste pas dans ce refuge. Va-t’en, rentre au pays de Juda ! » David s’en alla et parvint à la forêt de Hèreth. 1S 22,1…5.

Il interroge le Seigneur avant toute décision : David consulta le Seigneur : « Dois-je partir ? Est-ce que je battrai ces Philistins ? » Le Seigneur dit à David : « Pars, tu battras les Philistins et tu sauveras Qeïla. » 1S 23,2.

David est ainsi la figure du roi pieux, dont la foi s’appuie sur l’écoute de la parole, la prière et le discernement. Il place en premier la volonté du Seigneur avant ses propres intérêts personnels et immédiats, quand bien même cela pourrait être facile et offert.

À plusieurs reprises Saül approche du camp de David ; et à chaque fois David en réchappe. Mais par deux fois, l’occasion lui fut donnée d’éliminer son adversaire. Mais par deux fois, David ne résolut pas à tuer le roi Saül. C’est ce qui advint par exemple dans son refuge d’Ein Guédi avec ses six cents compagnons, en 1S 24.

Ein Gedi, réserve naturelle, Israël

Ein Guédi et le refus du pouvoir

Quand Saül revint de la poursuite des Philistins, on l’en informa : « Voici que David est au désert d’Enn-Guèdi. » Saül prit trois mille hommes, choisis dans tout Israël, et partit à la recherche de David et de ses gens en face du Rocher des Bouquetins. Il arriva aux parcs à moutons qui sont en bordure de la route ; il y a là une grotte, où Saül entra pour se soulager. Or, David et ses hommes se trouvaient au fond de la grotte. Les hommes de David lui dirent : « Voici le jour dont le Seigneur t’a dit : “Je livrerai ton ennemi entre tes mains, tu en feras ce que tu voudras.” » David vint couper furtivement le pan du manteau de Saül. Alors le cœur lui battit d’avoir coupé le pan du manteau de Saül. Il dit à ses hommes : « Que le Seigneur me préserve de faire une chose pareille à mon maître, qui a reçu l’onction du Seigneur : porter la main sur lui, qui est le messie du Seigneur. » Par ses paroles, David retint ses hommes. Il leur interdit de se jeter sur Saül. Alors Saül quitta la grotte et continua sa route. 1S 24,1-8.

David a ici l’occasion de faire un coup d’état bien facile : le roi est isolé, à sa portée d’épée. Ses compagnons voient là un signe de la faveur de Dieu qui lui livre son ennemi entre ses mains. On a vite fait d’attribuer à Dieu, les opportunités qui n’intéressent que nos seuls désirs. Mais pas David, il est le le serviteur du Seigneur. Il est, à ce sujet, un des rares personnages de la Bible à recevoir ce titre de ‘Serviteur du Seigneur’ avec Moïse et Abraham. David refuse donc de saisir de cette chance soi-disant au nom de Dieu, et préfère laisser Saül quitter sa grotte. Il n’agit pas selon ses intérêts immédiats. Saül est le roi messie en titre, et ce sera donc à Dieu de décider du sort de Saül. David regrette même d’avoir coupé le pan du manteau de Saül. Serviteur du Seigneur, il remet son destin dans les mains du Dieu d’Israël comme il l’exprime aussitôt au roi Saül qu’il a laissé partir libre et vivant :

Regarde, père, regarde donc : voici dans ma main le pan de ton manteau. Puisque j’ai pu le couper, et que pourtant je ne t’ai pas tué, reconnais qu’il n’y a en moi ni méchanceté ni révolte. Je n’ai pas commis de faute contre toi, alors que toi, tu traques ma vie pour me l’enlever. C’est le Seigneur qui sera juge entre toi et moi, c’est le Seigneur qui me vengera de toi, mais ma main ne te touchera pas ! Comme dit le vieux proverbe : “Des méchants sort la méchanceté.” C’est pourquoi ma main ne te touchera pas.  1S 24,12-14

David sera la figure biblique royale par excellence non du fait de sa naissance, ni en raison de ses conquêtes territoriales mais par son humilité, son refus de dominer par la vengeance et la violence. Sa foi en Dieu est son premier guide.


Les citations et références sonores (podcast)

1S 23 : https://www.aelf.org/bible/1S/23

  • Retrouvez le texte de cette publication et les autres « 40 déserts » sur  https://www.aularge.eu/blog/40-deserts-2/
  • Astérix et la surprise de César, film d’animation de Gaëtan et Paul Brizzi (1985),d’après A.Uderzo et R.Goscinny, avec les voix de Roger Carel (Astérix) et Pierre Toronade (Obélix)
François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio