Messie et prophète rejeté (Mt 13,53-14,12)

Parallèles : en fonction des sections – voir infra

Les propos en paraboles viennent de s’achever. Comme souvent dans l’Évangile selon Matthieu, les sections narratives qui suivent les discours servent à les illustrer tout en introduisant une thématique nouvelle. L’incompréhension de ses compatriotes et la mort de Jean le baptiste viennent éclairer la question de Royaume présent mais peu reconnaissable aux yeux des hommes.

Jésus sorti de Nazareth

Incompris par les siens (13,53-58)

Parallèles : Mc 6,1-6a | Lc 4,24

13, 53 Lorsque Jésus eut terminé ces paraboles, il s’éloigna de là. 54 Il se rendit dans son lieu d’origine, et il enseignait les gens dans leur synagogue, de telle manière qu’ils étaient frappés d’étonnement et disaient : « D’où lui viennent cette sagesse et ces miracles ? 55 N’est-il pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères : Jacques, Joseph, Simon et Jude ? 56 Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes chez nous ? Alors, d’où lui vient tout cela ? » 57 Et ils étaient profondément choqués à son sujet. Jésus leur dit : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa propre maison. » 58 Et il ne fit pas beaucoup de miracles à cet endroit-là, à cause de leur manque de foi.

Le fils du charpentier

Il faut donc comprendre ce passage à la suite de ces paraboles sur le Royaume. Ici, chez lui, en son village natal, Jésus n’est pas reçu comme le Messie. Il est et demeure le fils du charpentier dont les uns et les autres connaissent la parenté. Bref, un p’tit gars d’chez nous dont la famille est bien connue. Or le Messie attendu est celui qui vient d’au-delà, d’ailleurs, du ciel, et non d’une remise de charpentier. Mais surtout pas de Nazareth. Ses paroles emplies de sagesse et ses miracles semblent même susciter une réelle incompréhension et le mépris de sa mission. L’attitude de Jésus, l’enfant de Nazareth, est pour eux incompréhensible. Leur manque de foi concerne, non pas leur foi au Dieu d’Israël, mais en son messie nazaréen et Fils.

D’où lui vient tout cela ? La question peut revêtir plusieurs aspects. Elle peut nous rappeler les accusations des pharisiens qui hésitaient à voir en Jésus un serviteur du Royaume de Dieu, ou bien un agent du prince des démons. D’où, de qui lui vient tout cela ? En insistant sur son origine Nazaréenne, sa famille, sa classe sociale moyenne, la question des habitants de Nazareth peut aussi renvoyer les lecteurs à l’incarnation telle que Matthieu la raconte en son Évangile (Mt 1-2). Le Fils de ce Dieu saint, puissant et éternel, peut-il se compromettre dans une humanité marquée par la mort, la faiblesse, le péché … De même, sa mère, ses frères et sœurs sont mis ici en opposition à ses miracles et à sa sagesse. Autrement dit, ce n’est de sa naissance qu’il tient ses pouvoirs : aucun membres de sa famille n’en semble pourvu. Bien plus en soulignant aussi que ses sœurs ne sont-elles pas toutes chez nous ?  Les Nazaréens laissent entendre que même sa famille ne l’a pas suivi sur les routes de Galilée.

L’échec de Jésus face au mépris de ses compatriotes désavoue-t-il pour autant l’annonce du Royaume ? Ce refus des gens de sa patrie exprime aussi pour Matthieu le situation sa communauté judéo-chrétienne dont la foi en Christ est contredite au sein du judaïsme. D’où, de qui lui vient tout cela ? Autant de questions auxquelles il va pouvoir répondre dans les chapitres suivants.

Herodiade avec la tête de St Jean Baptiste, Paul Delaroche, 1850

La tête de Jean le baptiste (14,1-12)

Parallèles : Mc 6,14-29 | Lc 9,7-9

14, 1 En ce temps-là, Hérode, qui était au pouvoir en Galilée, apprit la renommée de Jésus 2 et dit à ses serviteurs : « Celui-là, c’est Jean le Baptiste, il est ressuscité d’entre les morts, et voilà pourquoi des miracles se réalisent par lui. » 3 Car Hérode avait fait arrêter Jean, l’avait fait enchaîner et mettre en prison. C’était à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe. 4 En effet, Jean lui avait dit : « Tu n’as pas le droit de l’avoir pour femme. » 5 Hérode cherchait à le faire mourir, mais il eut peur de la foule qui le tenait pour un prophète. 6 Lorsque arriva l’anniversaire d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa au milieu des convives, et elle plut à Hérode. 7 Alors il s’engagea par serment à lui donner ce qu’elle demanderait. 8 Poussée par sa mère, elle dit : « Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste. » 9 Le roi fut contrarié ; mais à cause de son serment et des convives, il commanda de la lui donner. 10 Il envoya décapiter Jean dans la prison. 11 La tête de celui-ci fut apportée sur un plat et donnée à la jeune fille, qui l’apporta à sa mère. 12 Les disciples de Jean arrivèrent pour prendre son corps, qu’ils ensevelirent ; puis ils allèrent l’annoncer à Jésus.

La fin du prophète

Alors que Jésus est méconnu dans son identité messianique par les Nazaréens, comme il le sera aussi par une partie du judaïsme, le sort de Jean, dit le baptiste, prophète reconnu, n’est pas plus enviable. Matthieu diffère de la version de Marc où Hérode tenait le baptiste en haute estime. Ici ce n’est pas le cas. Matthieu insiste sur la renommée du prophète auprès de la foule bien plus qu’auprès des puissants. Si vous désirez comparer ces deux mêmes scènes, je vous invite à lire le même épisode, plus développé chez Marc (art. Mc 6,14-29).

Matthieu tient à souligner, dans la continuité de l’annonce d’un Royaume des Cieux déconcertant, combien le faste, le pouvoir, l’immédiateté de la sentence, appartient au royaume des hommes (ici Hérode et Hérodiade), et non au Royaume du Père. Au contraire, Jean, qui annonçait la venue du Christ, celui que Jésus lui-même considérait comme un vrai prophète, est ici vulgairement assassiné. Est-ce pour autant le désaveu de sa mission, puisque Dieu n’est pas intervenu ?

L’ensemble de ces deux épisodes illustrent bien cette parabole du semeur. L’annonce du Royaume du Père aux Nazaréens n’a pu prendre racine, et les séductions du monde, des honneurs ont décapité Jean. Restera-t-il suffisamment de bonne terre pour que la semence du Royaume multiplie à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. C’est ce qu’illustrera le passage suivant.

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

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