Le discours de Jésus aux foules rassemblées au bord du lac, puis maintenant aux disciples, se poursuit avec ces trois dernières paraboles. Elles font écho aux trois précédentes, tout en introduisant un élément nouveau. De quoi encore dérouter cet auditoire quant à la compréhension du Royaume du Père
Trois paraboles
Ces trois paraboles sont organisées de la même manière que les trois précédentes. Il fut question d’un grain de moutarde, d’une femme en cuisine, de récolte menacée : des images peu glorieuses pour parler de l’avènement d’un royaume. Matthieu déploie ici deux courtes paraboles jumelles mais dans des univers opposés – comme c’était le cas pour celles de la graine de moutarde et du levain. Puis une autre parabole nous ramènera sur le lac pour une pêche. Cette dernière parabole possède de fortes similitudes avec celle de l’ivraie et son interprétation. L’ensemble de ces trois paraboles adressées aux disciples ont aussi une thématique commune.
Les trois précédentes insistaient sur la croissance du Royaume, partant de rien pour arriver à son accomplissement. Ces trois nouvelles paraboles mettent en avant le thème de la recherche, de la pêche. L’image traditionnelle du Royaume conquérant est donc encore bouleversée. Jésus ne nous oriente pas vers une conquête, mais une quête qui invite à un certain abandon.
Le trésor et la perle (13,44-46)
13, 44 Le royaume des Cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ. 45 Ou encore : Le royaume des Cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. 46 Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle.
Caché mais précieux
Le trésor caché, la perle précieuse trouvée … la valeur du Royaume n’est pas de l’ordre du manifeste, du flamboyant, du flagrant. Le Royaume est ici associé à ce qui est enfoui, caché, voire introuvable et secret. Ce n’est pas l’image habituelle pour décrire l’avènement d’un royaume. Au lieu d’attirer nos regards vers un faste céleste, les paraboles nous font descendre dans la boue et la poussière d’un comptoir. Il faut donc humblement baisser les yeux et chercher ce qui est déjà là, présent et proche, mais non comme on pourrait s’y attendre.
Ces deux paraboles sont assez similaires quant à cette approche d’un Royaume discret. Mais elles diffèrent sur leur construction. La première révèle justement combien ce Royaume caché est si précieux qu’un homme est capable de tout vendre, de tout quitter pour acquérir un bien considéré à ses yeux plus grand. L’homme en question évoque ces disciples qui ont tout quitté pour le Royaume, tout pour ce qui peut paraître imperceptible. Des disciples qui sont eux aussi invités à se déposséder de toute prétention conquérante, et de tout faste. Car c’est le Seigneur qui œuvre. C’est ce que semble mettre en lumière la parabole suivante.
En effet, dans la parabole de la perle, les rôles sont inversés. Le Royaume est comparé non à la précieuse perle qu’il faut trouver mais au négociant qui la recherche. Cet homme lui aussi vend tout, donne tout, pour acquérir cette perle de valeur. Ainsi, la parabole laisse entendre combien le Seigneur est celui qui cherche et est capable de tout donner, pour racheter une perle précieuse à ses yeux, une humanité présente et parfois cachée au sein de chaque potentiel disciple.
Le filet (13,47-50)
13, 47 Le royaume des Cieux est encore comparable à un filet que l’on jette dans la mer, et qui ramène toutes sortes de poissons. 48 Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien. 49 Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes 50 et les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. »
La pêche eschatologique
La quête se poursuit ou plus précisément la pêche. Cette dernière parabole nous renvoie, ainsi que les disciples, au bord de ce lac où les paraboles ont commencé. Le sujet rejoint donc la vie même des destinataires dont parmi eux quelques pêcheurs. L’image est parlante et rappelle l’interprétation de la parabole de l’ivraie. L’image de la pêche est parfois utilisé par les prophètes pour exprimer ce temps du jugement eschatologique de Dieu envers son peuple (cf. podcast) :
Ez 32, 3 Ainsi parle le Seigneur Dieu : J’étendrai mon filet sur toi lors de l’assemblée de nombreux peuples, et ils te tireront dans ma senne.
Les paroles de Jésus reprennent les images apocalyptiques de la fournaise, des pleurs et des grincements de dents comme autant de regrets. Comme si ce jugement final attendu par les disciples ne correspondait pas à celui de Dieu. On peut ainsi souligner combien l’avènement du Royaume n’est pas une pêche à l’excellence, à la perfection, mais un rassemblement dans ces filets du Père, à destination de toutes sortes de poissons, y compris ce qui ne vaut rien. Mais la valeur du disciple pêché n’est attribué qu’une fois arrivé sur le rivage.
Du neuf et de l’ancien … (13,51-52)
13, 51 « Avez-vous compris tout cela ? » Ils lui répondent : « Oui ». 52 Jésus ajouta : « C’est pourquoi tout scribe devenu disciple du royaume des Cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. »
Une 8e parabole ?
Est-ce une dernière et huitième parabole ? Pas exactement car le sujet n’est pas tant le royaume que ses disciples, et le dessein est plus conclusif qu’exhortatif. Il y a dans le trésor du Royaume de l’ancien et du neuf. Pour le dire autrement, l’idée de l’avènement du Royaume n’est pas nouvelle. Les prophètes d’hier l’ont annoncé, et voilà qu’il s’accomplit. Mais il y a aussi une nouveauté, un changement radical de perspective que ces paraboles ont mis en lumière. Pour trouver le Royaume, les disciples sont invités à regarder vers le bas, vers la terre, à se déposséder, à quitter une situation confortable, pour acquérir ce qui n’est encore que semence et croissance. Le scribe, qui a ainsi la connaissance de ces anciennes écritures, inspirées et incontestées, est invité à « perdre » une part de ses convictions pour une nouveauté radicale révélée par ce semeur de paraboles, Jésus de Nazareth, Christ et Fils de Dieu.
j’aime beaucoup vos commentaire c’est tres profonds et nourissants