En Avent, le prophète Michée

4ème dimanche de l’Avent, année C (Mi 5, 1-4a)

Quatrième dimanche déjà. Voici donc le dernier article consacré aux prophètes de l’Avent. Avec Michée nous remontons encore un peu le cours du temps.

Michée prophète

Michée en son temps

Cinquante ans le sépare du prophète Sophonie et plus d’un siècle de l’exil de Jérémie et Baruch. Michée est un contemporain du prophète Isaïe sans doute plus connu de nous. Sa parole résonne donc dans le royaume de Juda (Mi 1,1), probablement au temps du roi Ézéchias (725-680 av. JC).

En ce temps-là, la puissante Assyrie a effacé de la carte, en 721/722, le royaume du Nord, Israël. Malgré cette menace, le petit royaume de Juda garde confiance à cause du lourd tribut payé à l’Assyrie lui garantissant la paix et en raison des travaux de fortifications de Jérusalem. Cet orgueil présomptueux des notables, s’appuyant sur leurs propres forces et leur enrichissement, exaspère le prophète.

Prophètes, John Singer Sargent, 1895

Vous, tous les peuples, écoutez !

Vous tous les peuples, écoutez ! (Mi 1,2) C’est ainsi que commencent les oracles de Michée. La parole du Seigneur vient, par la bouche du prophète, condamner l’idolâtrie. Il ne s’agit pas ici de concurrence de cultes, mais d’attitude fondamentale.

Comme beaucoup de prophètes, Michée a l’intuition et la conviction que l’idolâtrie mène à la ruine. Le peuple et les notables sont attirés vers ces dieux agraires. Ils représentent l’illusion de la réussite immédiate et rétribuée, faisant la richesse des uns, ruinant les autres. Le tout tout-de-suite payant (et coûteux) de nos idoles d’aujourd’hui. Ses chefs jugent pour un cadeau, ses prêtres enseignent pour un salaire, ses prophètes pratiquent la divination pour de l’argent (Mi 3,11). Offrir le meilleur – et donc onéreux – sacrifice à la divinité la plus en vue, peut assurer la richesse dont on a plus envie que besoin. L’idolâtrie est toujours empreinte d’individualisme.

Gentile da Fabriano, Michée, 1423, musée des Offices

Dieu fidèle

Effectivement face à ces croyances saisonnières et marchandes, et face à des croyants plus avides que généreux, que peut représenter un dieu qui, jadis, a fait sortir son peuple d’Égypte, un dieu des pauvres et des esclaves ? Pour Michée, cela ne fait aucun doute, une telle attitude de mépris ne peut conduire qu’à la ruine. C’est pourquoi, à cause de vous, […] Jérusalem sera un monceau de décombres (Mi 3,12).

Si, du fait des hommes, la ruine est inévitable, grâce à la fidélité de Dieu sa rédemption est assurée. Ainsi tu accordes à Jacob ta fidélité, à Abraham ta faveur, comme tu l’as juré à nos pères (Mi 7,20). L’Espérance du prophète ne s’appuie pas sur une surenchère cultuelle et sacrificielle mais sur un Dieu qui agit, gracieusement, au cœur même de l’homme et de son peuple, et qui ne renie pas sa parole.  Michée annonce ainsi la venue d’un sauveur envoyé par le Seigneur.

Ainsi parle le Seigneur

Mi 5, 1 Ainsi parle le Seigneur : Toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois. 2 Mais Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera… celle qui doit enfanter, et ceux de ses frères qui resteront rejoindront les fils d’Israël. 3 Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu. Ils habiteront en sécurité, car désormais il sera grand jusqu’aux lointains de la terre, 4a et lui-même, il sera la paix !

Bethléem, gravure de David Roberts, 1869

Bethléem Ephrata

L’oracle de Michée annonce une victoire, l’avènement d’un roi capable de relever Juda. Cependant l’ordre logique des choses est bouleversé.  Jérusalem, la capitale royale, est “détrônée” au profit d’une bourgade : Bethléem. Le salut ne vient donc pas d’une ville munie de remparts, de palais et d’un Temple. Le Seigneur lui a préféré un simple village ouvert et paisible : Bethléem.

Son nom en hébreu (Beith Lehem בֵּית לֶחֶם) signifie maison du pain. C’est à la fois un terme qui désigne une abondance (le blé nécessaire), mais aussi l’indispensable fraternité que représente le terme de maison. Le village est donc un véritable symbole que vient confirmer le qualificatif d’Ephrata signifiant “féconde”. L’abondance du blé est liée à la capacité de bâtir ensemble une maison. Bien évidemment le choix de Bethléem évoque l’emblématique roi David de jadis.

Onction de David, Matia Preti, XVII°s.

Un nouveau berger

L’annonce de l’avènement d’un roi berger qui conduit son peuple nous renvoie à David, ce jeune berger, choisi par Dieu pour devenir roi. Il est la figure idéalisée du monarque dans la Bible. Mais cet idéal ne tient pas à ses conquêtes militaires, ni à ses richesses, mais à son humilité face au Seigneur. Il est celui qui refuse d’entrer dans le cercle de la vengeance et de la violence gratuite. Il est le roi qui pleure la mort de ses ennemis et qui sait se reconnaître pécheur. Ce roi humble et berger juste est celui que les Écritures désignent comme le “Serviteur” du Seigneur.

Alessandro Tiarini, Nativité, XVIIè s.

Il sera la paix

Un nouveau David est attendu, tout aussi humble et choisi par le Seigneur (1S 16). Un roi qui apporte le salut non dans la rancune mais dans la paix.
Cette paix, ce shalom, n’est pas seulement un temps sans combat et sans guerre. Le terme implique les dimensions de plénitude, de réconfort, de sérénité, de quiétude… La paix est ainsi synonyme de bénédiction divine. Voici que vient un temps de justice où la grâce de Dieu abonde et déborde dans la petitesse d’une naissance. L’Espérance est la présence d’un salut que Dieu dépose, présent fragile, en nos mains. Sa victoire tient dans la seule majesté du Seigneur son Dieu dont il fera entendre le nom jusque sur une croix : Abba ! Père !

François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio