Désert 34 – Le peuple défilait en direction du désert (2S 15)

Le roi traversa le torrent du Cédron, et tout le peuple passa en face du chemin qui longe le désert. Ce roi qui passe le cours d’eau du Cédron à Jérusalem, au milieu d’un foule en sanglots, c’est le roi David qui avec les siens s’exile loin de Jérusalem. La publication précédente présentait le futur roi pourchassé par Saül, déjà obligé de se replier au désert de Judée.

le roi David

Retour au désert

Tout le monde pleurait à grands sanglots, tandis que tout le peuple passait. Le roi traversa le torrent du Cédron, et tout le peuple passa en face du chemin qui longe le désert. 2S 15,23.

Nous sommes ici bien des années plus tard. David a reçu la royauté sur Israël et Juda, et vit à Jérusalem, sa nouvelle capitale où il a bâti son palais, et installé la tente de la Rencontre. Tout allait presque pour le mieux s’il n’y avait Absalom. Ce dernier est l’un de ses fils qui aujourd’hui, par la ruse et ses discours séducteurs – qu’on qualifierait aujourd’hui de populiste –  a pris le pouvoir et monte avec ses hommes sur Jérusalem, comme le résume ces quelques versets :

La conjuration devint puissante, et la foule de ceux qui se ralliaient à Absalom, de plus en plus nombreuse. Un messager vint annoncer à David : « Le cœur des hommes d’Israël a pris parti pour Absalom. » Alors David dit à tous ses serviteurs, qui étaient avec lui à Jérusalem : « Debout, fuyons ! Autrement nous n’échapperons pas à Absalom. Vite, partez ! Sans quoi, il nous gagnera de vitesse, il nous précipitera dans le malheur et passera la ville au fil de l’épée. » 2S15,12-14.

David fuit encore comme autrefois. Après Moïse, David est certainement le personnage biblique qui séjourne le plus au désert. Depuis son enfance, puis sa longue fuite face à la colère Saül et maintenant  pour échapper à son propre fils.

David fuyant Jérusalem, mss XIIe s.

Une procession de deuil

Ce n’est pas tant l’histoire de cette trahison qui m’intéresse ici, que cette fuite de Jérusalem. En effet, dans la Bible, c’est probablement le passage où l’on marche le plus lentement. Car il faut plus de deux chapitres pour faire trente kilomètres depuis le palais royal (2S 15,14) jusqu’au Jourdain (2S 17,25). Puis à partir, du Jourdain et en deux versets seulement, nous parvenons à Mahanaïm, 50km plus au nord (2S 17,27). Le second livre de Samuel consacre même un chapitre entier à la marche de David depuis le Cédron au Mont des Oliviers 2S 15,142S16,14. Faisons un bref résumé de ces étapes qui nous sont décrites telle une liturgie funèbre.

Le verset 17 désigne la dernière maison de Jérusalem. David sort de la ville, à pied, en compagnie de ses épouses, ses enfants et une escorte fidèle (2S 15,16-20). Malgré la tragédie, David confesse ici sa foi en la miséricorde et la bonté de Dieu.

La procession arrive au torrent du Cédron 15,23, David décide s’en remettre à la volonté de Dieu en laissant l’arche d’Alliance à Jérusalem.  

Voici que Sadoc, lui aussi, était là, accompagné de tous les lévites portant l’arche de l’Alliance de Dieu. Le roi dit à Sadoc : « Ramène l’arche de Dieu dans la ville. Si je trouve grâce aux yeux du Seigneur, il me ramènera et me permettra de la revoir, ainsi que son domaine 15,24-25.

Puis commence l’ascension du mont des Oliviers.

David montait en pleurant, la tête voilée ; il marchait pieds nus. Tous ceux qui l’accompagnaient avaient la tête voilée ; et ils montaient en pleurant 15,30.

Au sommet du mont des Oliviers,  là où l’on plie les genoux face au Temple, dit le texte, un serviteur lui apporte son aide en pain, en vin et en ânes :

Les ânes serviront de monture à la famille du roi, dit-il, les pains et les fruits seront la nourriture des plus jeunes, et le vin, la boisson pour qui sera épuisé dans le désert 16,2.

Shimei maudit David

A partir de là, la descente devient pour David un chemin d’humiliation quand un homme du clan de Saül, nommé Shiméï, ne cesse de l’insulter le traitant de vaurien et d’imposteur. David interdit pourtant à ses hommes en armes de le faire taire en disant :

Même celui qui est mon propre fils s’attaque à ma vie : à plus forte raison ce descendant de Benjamin ! Laissez-le maudire, si le Seigneur le lui a ordonné. Peut-être que le Seigneur considérera ma misère et me rendra le bonheur au lieu de sa malédiction d’aujourd’hui. 16,7-12.

Et jusqu’à l’arrivée au Jourdain David avance David humilié par Shiméï qui proférait ses malédictions et lançait des pierres tout près du roi, en faisant voler la poussière. 16,13.

Une marche funèbre, des trahisons, des insultes… une passion déjà se dessine. Une passion où David marche, plus humilié et toujours humble. Pas de cri de vengeance, pas d’appel au meurtre. David remet tout dans les mains de son Seigneur, depuis l’Arche d’Alliance jusqu’à sa propre couronne. Le roi que Dieu avait choisi et oint, et qu’il a fait monter sur le trône d’Israël et Juda, s’en va maintenant nus pieds, insulté, mais avec toujours la même foi. Et nous contemplons sa passion où déjà un ami offre pour le roi et ses hommes du pain et du vin, et des ânes pour sa maison familiale. Des éléments qui nous évoquent le dernier séjour de Jésus à Jérusalem.

Duccio di Buoninsegna, Entrée de Jésus à Jérusalem, 1310

Rameaux et Passion

Au Rameaux, Jésus est acclamé tel le Roi, qui vient au nom du Seigneur, arrivant sur un âne (Lc 19,28-40). Jésus serait attendu tel ce nouveau roi messie qu’annonçait le prophète Zacharie : Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. (Za 9,9). Mais cette acclamation n’est pas seulement l’écho d’un oracle. Jésus emprunte à l’envers ce chemin de David. Il vient de Jéricho et arrive vers Béthanie et Bethphagé, pour descendre le mont des Oliviers, comme si un roi messie, à la suite de David, voulait reprendre un trône vacant.

Et ce trône Jésus le reprendra avec cette foi et cette humilité qui œuvrait dans le cœur de David qui, bien que trahi, a aimé jusqu’au bout son fils conspirateur. David reviendra à la mort tragique d’Absalom pour s’asseoir sur trône d’Israël et Juda, mais rien  ne sera plus comme avant. La tristesse envahira le cœur du roi. Ainsi, toujours Israël regrettera David, roi messie, humble et aimant… espérant que Dieu lui donne un digne successeur.

Alors, Jésus entre à Jérusalem. Mais son trône n’est pas au palais, comme l’arche d’Alliance n’est plus dans le Temple. Il nous faudra encore le suivre, sur son chemin de passion, pour le voir instaurer une royauté nouvelle et une nouvelle Alliance sur la croix où le Fils unique de Dieu vient révéler tout l’amour et le pardon du père.


Les citations et références sonores (podcast)

François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

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