Parallèles : Mc 12,28-34 | Lc 10,25-28
Les pharisiens reviennent sur le devant de la scène pour une troisième et dernière tentative de mettre Jésus en porte-à-faux publiquement. Après la question de l’impôt et celle sur la résurrection, l’interrogation porte maintenant sur un lieu des plus importants de la foi juive : la Loi elle-même.
Le retour des pharisiens (22,34-36)
22, 34 Les pharisiens, apprenant qu’il avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, 35 et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve : 36 « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? »
Pour le mettre à l’épreuve
La scène se différencie de celle donnée par Marc (Mc 12,28-37) où le même docteur de la Loi jouait un rôle positif en louant la pertinence des propos de Jésus. Ici, au nom des pharisiens, un spécialiste de la Loi de Moïse intervient pour mettre Jésus à l’épreuve. Mais la question relève-t-elle de l’épreuve ? Auparavant, les pharisiens avaient sommé Jésus de prendre parti pour ou contre César à travers son impôt. Les sadducéens désiraient lui montrer l’incohérence de la croyance en la résurrection. À chaque fois, Jésus choisit une autre voie, inattendue. Ni pour, ni contre le pouvoir de César, mais pour Dieu. Non pas une résurrection comme un retour à la vie, telle l’idée pharisienne, mais comme une nouvelle création divine.
Des partis en guerre
Ici, Matthieu ne propose pas d’alternative entre un commandement ou un autre. Et l’interrogation concerne un sujet que l’on retrouverait dans toute discussion entre pharisiens : quel est le grand commandement, celui qui résume ou commande toute la Loi ? Si le piège n’est pas dans la question, il est peut-être ailleurs. L’évangéliste en se distinguant de Marc, mentionne l’arrivée des pharisiens après que Jésus ait fermé la bouche aux sadducéens. Le contexte est donc celui d’une polémique et d’une concurrence de partis. Un débat s’ouvre à la manière pharisienne, parfois passionnée et véhémente. Une fois encore, Jésus n’entrera pas dans cette guerre de partis.
Le grand commandement ? (22,37-40)
22, 37 Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. 38 Voilà le grand, le premier commandement. 39 Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
L’enseignement en vérité
Le récit de Matthieu ne fera aucune mention de la réaction des pharisiens. Aimer Dieu pleinement et son prochain tout autant, n’est pas une réponse qui va à l’encontre des idées pharisiennes. Bien au contraire. La parole de Jésus répond même parfaitement à la précédente flatterie des pharisiens : tu enseignes le chemin de Dieu en vérité (22,16). Voilà donc cet enseignement résumé en ces deux versets. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force (Dt 6,5). Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19,18). Le lien aimant à Dieu, défini comme le grand et premier commandement par Jésus, ne saurait faire l’économie du souci aimant du prochain.
Tu aimeras
Mais dans ce contexte de débats et de polémiques, l’enseignement de Jésus prend sens davantage. Face à des accusateurs qui essaient de le piéger devant la foule, cela pour mieux l’arrêter, Jésus renvoie les pharisiens au double impératif : Tu aimeras … y compris ton ennemi comme il l’avait rappelé lors du discours sur la montagne (5,43-44). Y compris le sadducéen toi qui es pharisien (et inversement), y compris Celui qui se tient devant toi et à qui tu souhaites la perte. Ce double ‘Tu aimeras‘ renvoie à l’attitude même du Christ et à son annonce du Royaume.
Cette réponse de Jésus, face à ceux qui le conduiront au procès, n’est qu’une introduction. La suite de ce chapitre va laisser la parole à Jésus qui va révéler, entre autres, comment ces mêmes pharisiens accusateurs – mais aussi les lecteurs – peuvent manquer à l’amour du prochain et à l’amour du Père.