Une belle-mère contagieuse (Mc 1,29-39)

Parallèles : Mt 8,14-15 | Lc 4,38-44

5ème dim. ord. (B)

Après la synagogue du village, nous ne quittons pas Capharnaüm où nous allons passer une journée et une nuit, Marc égrenant pour nous les heures.

guérison

La belle-mère de Simon (1,29-31)

1, 29 Aussitôt sortis de la synagogue, ils allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André. 30 Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. 31 Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.

À la maison, aussitôt

Comme à son habitude, Marc enchaîne très rapidement les événements. Et hop, à la maison où l’on évoque la belle-mère fiévreuse ! Et hop, il la guérit et elle fait le service ! Je devine déjà les pensées de certains et je leur dis : non, Jésus n’a pas guéri cette femme contre l’avis de Simon, son gendre, ni parce qu’il lui manquait une domestique. La succession rapide de ces actes vient en conséquence de l’incident précédent à la synagogue. À l’autorité de sa parole succède maintenant l’autorité de son action. Le règne de Dieu qu’il annonçait en enseignant (1,14-15.21) s’accompagne de faits bien réels : l’Évangile en paroles se déploie dans des gestes. Marc nous montre combien l’autorité de Jésus est avant tout déploiement de vie et de salut.

Maison fraternelle et ecclésiale

L’annonce du règne n’est pas circonscrite à la sphère religieuse d’un lieu de prière mais déborde jusqu’au sein de la maison, jusqu’au lit d’une femme malade qui ne pouvait être à la synagogue. L’Évangile se déplace vers la maison de la souffrante. En Marc, la maison de Simon deviendra un lieu de rendez-vous habituel. Cette situation devait rejoindre la condition bien réelle des premiers chrétiens juifs, exclus de leurs synagogues et se rassemblant dans leurs maisons. Mais pour nous, ce texte nous invite à ne pas enfermer l’Évangile dans un cadre exclusivement liturgique et à le vivre jusque dans notre quotidien. La maison de Simon et André se présente comme un nouveau lieu de mission pour Jésus et ses disciples qui reprennent le devant de la scène. André, au prénom grec, et Simon, au prénom hébreu, symbolisent ainsi l’unité fraternelle des chrétiens appelés à devenir une famille, une même fratrie ecclésiale. Et ce ne sera pas aisé.

Maudite fièvre

Ils lui parlèrent d’elle. En venant demeurer dans la maison, Jésus entend l’intercession des disciples et frères en faveur de celle qui souffre de fièvre. Il ne s’agit pas d’une simple migraine que l’on soignerait grâce à un petit cachet effervescent mais d’une fièvre brûlante que l’on doit prendre avec sérieux en ce premier siècle. La femme souffre d’une maudite fièvre1 de celle dont Dieu use lui-même pour avertir ceux qui désobéissent à sa Loi : Le Seigneur te frappera de langueur, de fièvre, d’inflammation, de chaleur brûlante… (Dt 28,22). Maladie et malédiction divine se confondaient souvent dans les croyances populaires (ou rigides). Ici, les gestes pacifiques de Jésus manifestent que sa guérison tient lieu de restauration, de retour en grâce, de résurrection.

Sans esbroufe

Une fois encore, Marc décrit les gestes de Jésus de la manière plus ordinaire : s’approcher, prendre la main, et faire lever. Rien d’extraordinaire, nul besoin d’un savoir-faire de guérisseur. De même, Jésus ne prononce pas une seule parole, pas même une prière. Cette pauvreté et ce silence expriment la délicatesse efficace de Jésus envers l’impure malade et couchée. Et maintenant la voilà debout, relevée de son mal, bien vivante, pour les servir. Jésus redonne vie et vigueur en vue d’un bien qui dépasse la personne : la belle-mère devient humble servante, pas même sujet d’éloges ni de louanges, faisant bénéficier de son retour à la vie toute la maisonnée. La guérison d’un seul sert la vie de tous.

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Au soir, la contagion (1,32-34)

1, 32 Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. 33 La ville entière se pressait à la porte. 34 Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.

Un règne nouveau

C’est le soir. Là où normalement tout se tait, tout se calme, laissant la nuit faire son œuvre. Mais pas ici. Aucune nuit n’arrête cette attente d’un nouveau jour. En mettant fin à ces maudites maladies et en chassant les démons, Jésus vient rétablir l’humanité dans un corps sain, un esprit sain, mais surtout dans la sainteté. Ses guérisons annoncent ce temps de réconciliation entre Dieu et les hommes. Un règne nouveau commence où le Messie évacue les maux les plus divers qui rongent l’humanité. Les guérisons, ici, n’expriment pas seulement un retour à la santé, mais une véritable restauration de l’Homme dans son lien social, bien sûr, mais aussi spirituel. Nous aurons l’occasion, très bientôt, d’y revenir.

Nous le savons, la maladie est souvent contagieuse et l’impureté à laquelle elle était associée en ce premier siècle également. Du moins pourrait-on le penser. Dans la maison d’André et Simon, il y a bien une contagion, une transmission. Les disciples parlent de la belle-mère à Jésus. Guérie, cette dernière les sert. Et les voici qu’ils lui apportent beaucoup de malades. La guérison et le service de la belle-mère semblent avoir fait des émules y compris parmi les disciples. La contagion n’est plus celle des maux, mais du règne de Dieu à travers la grâce du Christ. Les malades et les démoniaques ne viennent pas d’eux-mêmes. Ils lui apportèrent. Ne caricaturons pas ces ils en des gens avides de miraculeux. Ils sont ceux qui, et en premier lieu les disciples eux-mêmes, à la suite de la belle-mère de Simon, se mettent au service de ces impurs, de ces malades et, pire, de ces démoniaques, pour les faire s’approcher du Fils. Il n’y a plus de fatalité. La foi en Jésus ouvre à une espérance nouvelle et à une charité inattendue. En écho à notre épisode précédent, le merveilleux et le savoir sont, encore ici, amenés à se taire… pour mieux contempler cette grâce du Christ.

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Tout le monde te cherche (1,35-39)

1, 35 Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait. 36 Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. 37 Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. » 38 Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. » 39 Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons.

Au matin, la quête

C’est le matin, mais il fait encore sombre. Ce que nous venons de vivre n’est qu’un début qui demande encore à être éclairé. Premiers rayons d’un soleil qui se lève peu à peu et nous sort de l’obscurité. Jésus ne reste pas profiter d’une gloire pourtant bien méritée. Au contraire, il part pour le désert, le lieu de la parole divine (1,1-13). Sa prière, son lien au Père céleste, n’est pas de l’ordre de l’ostentatoire mais de l’intime et du sincère.

Déjà, il manque aux siens. Sa présence devient nécessaire et vitale à ses disciples qui le poursuivent. Ce n’est pas seulement une simple recherche, mais une véritable quête. Ainsi, nous aussi, sommes-nous un peu perdus par ce Messie bien ordinaire qui nous transporte toujours vers un ailleurs, vers d’autres Capharnaüm, d’autres Galilée.

Durant cette journée à Capharnaüm, Marc nous a promenés en quatre lieux : la mer, la synagogue, la maison, le lieu désert. Un lieu de travail, un lieu de culte, un lieu de vie domestique, un lieu de solitude spirituelle. Aucun espace n’échappe à la mission de Jésus qui visite le moindre de nos recoins ; rien ni personne ne sera délaissé. Il part en quête d’une humanité en attente et sa présence vient emplir l’ensemble de ces vies en vue d’une restauration, d’une réconciliation.

  1. Ce terme fièvre, en grec puretos / πυρετός, n’est utilisé qu’une fois dans le Premier Testament en Dt 28,22. ↩︎
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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

Un commentaire

  1. En lisant vos commentaires très intéressants, on comprend pourquoi St Jean a dit que le monde ne serait pas assez grand pour contenir tout ce que l’on pourrait dire des paroles de Jésus si toutes avaient été rapportées.
    Merci. Je découvre votre site depuis quarante huit heures et pour l’instant j’y suis scotché.

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