Désert 20 – A la surface du désert, quelque chose de fin (Ex 16)

Nous sommes revenus dans le désert avec le peuple Hébreu et Moïse. Dans ce chapitre 16 du livre de l’Exode, le peuple exprime sa faim un mois et demi après sa sortie d’Égypte.

Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Ex 16,14.

La récolte de la manne, 1470, à la Chartreuse de Douai

Man’hou, Qu’est-ce que c’est ?

Toute la communauté des fils d’Israël partit d’Élim et atteignit le désert de Sine, entre Élim et le Sinaï, le quinzième jour du deuxième mois après sa sortie du pays d’Égypte. Dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. Mais, le sixième jour, quand ils feront le compte de leur récolte, ils trouveront le double de la ration quotidienne. » Ex 16,1-5.

Ainsi commence notre fameux récit de la manne. Je ne reviendrai pas sur les récriminations, nous les avons déjà évoquées à l’occasion de notre sixième désert. Dieu répond donc à la faim de son peuple.

 « J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : “Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.” » Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. Ex 16,12-15.

Les livres de l’Exode (Ex 16,31) et des Nombres (Nb  11,7-8) décrivent cette nourriture tombée du ciel comme de la graine de coriandre, de couleur blanche, au goût de beignet au miel ou d’une friandise à l’huile. Bref, c’est quelque chose de bon. Beaucoup veulent assimiler cette manne avec la sécrétion comestible du tamarix lorsque celui-ci est touché par la cochenille. Certes ce phénomène a pu servir au récit, mais n’oublions pas que, si nous voulons lire le récit d’une manière littéraliste, nous sommes en plein désert et avec un peuple au nombre de six cent mille sans compter les enfants (Ex 12,37) et, qui plus est, devant errer dans le désert durant quarante ans. Les forêts de tamaris et les cochenilles ne suffiraient pas à nourrir une telle multitude durant ces années.

Le livre du Deutéronome nous donne son interprétation : il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur (Dt 8,3). Le Deutéronome fait ainsi le lien entre la Parole de Dieu et la manne. À bien lire, le livre de l’Exode ne fait pas autre chose. Cette manne qui tombe la nuit et que chacun doit ramasser six jours, sauf le septième se contentant de la double ration du sixième jour, est une référence explicite au sabbat.

La manne, prémices du sabbat

Durant six jours le peuple recueille cette manne, le septième il se repose.

« Voyez, dit Moïse, le Seigneur vous a donné le sabbat ; aussi, le sixième jour, vous donne-t-il du pain pour deux jours. Restez donc chacun chez vous. Que personne ne sorte de chez lui le septième jour. » Et, le septième jour, le peuple cessa toute activité. Ex 16,29-30.

C’est la finalité de la manne : pouvoir célébrer ce septième jour consacré au Seigneur, pour mieux entendre sa réponse. Je n’en dis pas plus car nous aurons l’occasion d’y revenir.

La manne, une interrogation

Ce pain que Dieu donne à manger se nomme « man hou – Qu’est-ce ?» le pain est définit par une interrogation. C’est un don qui interroge. La nourriture que Dieu donne n’est pas destinée à gaver, emplir un ventre, ou répondre à un besoin immédiat, mais c’est un pain qui interroge l’homme dans son être, dans sa foi, dans sa recherche de bonheur et de salut.

La parole de Dieu ne s’impose à nous, ex-cathedra, elle ne vient pas nous écraser de son poids.  Cette fine couche légère comme du givre (Ex 16,14) qui une fois moulue, pétrie et cuisinée à le goût de beignet au miel (Ex 16,31) contente le cœur des hébreux. De même, on ne peut se nourrir et savourer la parole de Dieu que si l’on se laisse interroger par elle. Accueillir l’interrogation de la manne, c’est accueillir un Dieu en dialogue, à l’écoute de son peuple et de son fidèle, et qui lui répond.

La manne, Gloire de Dieu

On l’oublie un peu à l’occasion de ce récit, mais telle était la promesse faite au peuple après ses récriminations :

Moïse et Aaron dirent alors aux fils d’Israël : « Ce soir, vous saurez que le Seigneur vous a fait sortir du pays d’Égypte ;  et, demain matin, vous verrez la gloire du Seigneur, parce qu’il a entendu vos récriminations contre lui. Ex 16,6-7.

La venue miraculeuse des cailles le soir est donc destinée à délivrer le peuple de sa disette et faire mémoire du Salut de Dieu. Mais pour le matin, Moïse précise : vous verrez la gloire du Seigneur, parce qu’il a entendu vos récriminations contre lui. Moïse indique donc que la Gloire de Dieu se manifeste particulièrement avec le signe discret de cette couche de quelque chose comme du givre. Là est la vraie Gloire, la vraie présence de Dieu, non pas seulement dans le ciel des cailles, mais surtout sur le sol de ce désert, là, en bas, où chacun des hébreux pose son pas vers la terre promise. Le don du Dieu Très-Haut rejoint le bien bas des hommes…

Alexandre Ivanov 1850

La manne du Christ

Jésus lui-même dans l’évangile selon Jean, reprend l’image de la manne. Là aussi nous y reviendrons. Mais nous pouvons déjà l’évoquer. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. Jn 6,51. Dieu donne et se donne ; en Christ, ce Fils de Dieu, ce Verbe de Dieu fait chair, descendu dans ce bas de l’humanité, Il se donne et se donnera pleinement jusque sur la croix, jusque dans dans ce pain, cette nouvelle manne qui nous est donnée.

Ce n’est pas un fait exprès, si nous avons parlé de pain et de galette de miel, ou peut-être est-ce le clin d’œil de l’Esprit-Saint qui m’oblige ainsi à vous souhaiter une bonne mi-carême. … à demain !

Les citations et références sonores (podcast)

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio