Parallèles à Lc 17,1-4 : Mt 18,6-7,15,21-22
27ème dim. ord. (C) Lc 17,5-10
La parabole du riche et du pauvre Lazare (16,14-31) répondait au mépris des pharisiens. Maintenant vient le tour des disciples. Leur demande (ou leur cri) : augmente en nous la foi, suggère une appréhension face aux exigences posées par Jésus en matière de conversion, d’accueil des pécheurs et d’humilité… et peut-être aussi en matière de pardon comme le suggère les quatre versets qui introduisent cette section.
Même sept fois par jour tu lui pardonneras (17,1-4)
Parallèles à Lc 17,1-4 : Mt 18,6-7,15,21-22
17, 1 Jésus disait à ses disciples : « Il est inévitable que surviennent des scandales, des occasions de chute ; mais malheureux celui par qui cela arrive ! 2 Il vaut mieux qu’on lui attache au cou une meule en pierre et qu’on le précipite à la mer, plutôt qu’il ne soit une occasion de chute pour un seul des petits que voilà. 3 Prenez garde à vous-mêmes ! Si ton frère a commis un péché, fais-lui de vifs reproches, et, s’il se repent, pardonne-lui. 4 Même si sept fois par jour il commet un péché contre toi, et que sept fois de suite il revienne à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras. »
Une occasion de chute
La parabole sur le riche et Lazare (16,14-31) invitait à une réelle conversion du croyant, puisant dans la Parole de Dieu, en vue de l’accueil des faibles et des pécheurs. Le mépris de l’homme riche face au pauvre Lazare est éclairé par la question du scandale. Ce terme est à entendre dans son acception biblique : le scandale est l’attitude et la parole des uns qui entraînent d’autres dans leur chute. Ainsi ceux qui se déclarent justes au regard de la Loi tout en ignorant ceux qui n’en sont qu’à la porte, pour reprendre l’exemple de Lazare. S’érigeant en exemple, ils peuvent en entraîner d’autres dans l’erreur. Ils jettent ainsi le trouble, non seulement sur leur propre personne, mais aussi sur la Loi et même sur ces petits ‘Lazare’ que ces riches laissent à leur porte comme des pécheurs infréquentables. Leur attitude nuit à l’ensemble de la communauté croyante, comme au témoignage de l’Évangile.
En s’adressant à ses disciples, la parole de Jésus devient un avertissement, voire une sommation destinée aux communautés chrétiennes. Il ne doit pas en être ainsi parmi eux. Chacun doit être attentif à son frère qui ne doit pas devenir une occasion de chute. Le reprendre, lui révéler sa faute constitue un devoir nécessaire. C’est ce qu’on appelle habituellement la correction fraternelle en donnant le poids qu’il convient à ce qualificatif. Car la fraternité devient ici synonyme de démarche pour la vérité et vers le pardon. Là encore, Jésus invite à la gestion dispendieuse de la miséricorde, jusqu’à sept fois par jour (mais au-delà aussi). Les disciples auront-ils cette patience ?
Augmente en nous la foi (17,5-6)
17, 5 Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » 6 Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi.
Se planter dans la mer
On comprend maintenant la réaction des Apôtres. Chez Luc, ils sont associés au groupe des Douze mais les destinataires sont aussi les responsables des communautés chrétiennes au temps du rédacteur. Pardonner à qui se repend jusqu’à plus soif nécessiterait-il plus de foi encore que pour suivre Jésus ? Mais peut-on parler de quantité à propos de la foi ? Celle-ci est-elle mesurable ?
La réponse de Jésus est à ce titre assez déconcertante. Le plus petit dans la foi serait capable de faire se déplacer un grand arbre vers la mer. Qu’un arbre se déracine sur la parole du disciple est déjà étonnant, mais qu’il aille se planter dans la mer est totalement aberrant. Bien évidemment nous sommes dans le monde de la métaphore. Jésus affirme ainsi que la foi ne se mesure pas, puisque la plus petite foi est capable de choses les plus invraisemblables… y compris le pardon jusqu’à sept fois par jour, ce qui paraît tout aussi aberrant. Ainsi même les plus grands – parmi les disciples – doivent entendre leurs torts de la bouche des petits et reconnaître dans quelle mer de péchés ils se sont installés.
Jésus décrit la foi à l’image de cette petite graine de moutarde (13,18-21), et aussi en termes de parole : vous auriez dit à l’arbre. Il n’y a rien de merveilleux, ni de sensationnel, juste une parole de vérité capable d’appeler son frère à la repentance et au pardon. Car cette parole fraternelle est simplement celle du Seigneur lui-même. Ainsi Jésus poursuit-il par une autre parabole .
Simples serviteurs inutiles (17,7-10)
17, 7 « Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ? 8 Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ? 9 Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? 10 De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »
Que notre devoir
L’exemple de Jésus met ici en scène un serviteur et son maître. Il s’agit bien sûr de rendre compte du rôle des Apôtres qui demandaient à avoir plus de foi face à la correction fraternelle et au pardon. Ce n’est pas à leur statut ou à leur pouvoir que ces derniers doivent se fier. La parabole de Jésus associe le rôle d’apôtre à celui de serviteur de la Parole, de simples serviteurs, quelconques voire inutiles selon les traductions. La correction demeure fraternelle : elle est un humble service à rendre au nom du Seigneur et non une occasion de domination… et donc de chute. L’exigence est tout aussi du côté des Apôtres que des fauteurs, invités à se repentir et à aimer toujours librement, à revenir au Christ enthousiaste comme le montrera la prochaine péricope.