La foi des disciples (Mt 17,10-27)

Parallèles : selon les sections (cf. infra)

La profession de foi de Pierre et l’annonce de la Passion reprécisant celle-ci, le récit de Matthieu se poursuit immédiatement par la Transfiguration (Mt 17,1-9). Cette dernière soulignait combien l’abaissement du Christ, n’était nullement un abandon de Dieu.  Cette théophanie anticipait déjà la résurrection qui établira définitivement Jésus ressuscité, Christ, Fils du Dieu vivant, et crucifié, comme le juge des temps derniers.

Elie et le char de feu, Giuseppe Angeli, 1750

La venue d’Élie (17,10-13)

Parallèle : Mc 9,11-13

Mt 17 10 Les disciples interrogèrent Jésus : « Pourquoi donc les scribes disent-ils que le prophète Élie doit venir d’abord ? » 11 Jésus leur répondit : « Élie va venir pour remettre toute chose à sa place. 12 Mais, je vous le déclare : Élie est déjà venu ; au lieu de le reconnaître, ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu. Et de même, le Fils de l’homme va souffrir par eux. » 13 Alors les disciples comprirent qu’il leur parlait de Jean le Baptiste.

Le temps messianique ?

Dans le livre du prophète Malachie (Ml 3,23), il est annoncé que le prophète Élie reviendrait inaugurer le temps messianique. Depuis la profession de foi de Pierre, recadrée par Jésus, et l’épisode précédent de la Transfiguration, les disciples ont pu accueillir cette figure surprenante et nouvelle du Messie. L’évangéliste Matthieu s’associe à cette profession de foi et veut ici montrer combien elle ne contredit en rien le dessein de Dieu annoncé dans les Écritures.

Certes Élie a été contemplé sur la montagne de la Transfiguration. Mais Jésus, dans ce passage, renvoie ses disciples à la figure du baptiste, celui-là même qui est venue rétablir, au nom du Seigneur, le pardon et la justice divine au risque de sa vie. Le temps messianique est ainsi marqué par une confrontation entre la présence du Christ et sa difficile reconnaissance.

1605, Transfiguration, Rubens (détail)

La foi des disciples (17,14-23)

Parallèles : Mc 9,14-29;30-32 | Lc 9,37-45

17, 14 Quand ils eurent rejoint la foule, un homme s’approcha de lui, et tombant à ses genoux, 15 il dit : « Seigneur, prends pitié de mon fils. Il est épileptique et il souffre beaucoup. Souvent il tombe dans le feu et, souvent aussi, dans l’eau. 16 Je l’ai amené à tes disciples, mais ils n’ont pas pu le guérir. » 17 Prenant la parole, Jésus dit : « Génération incroyante et dévoyée, combien de temps devrai-je rester avec vous ? Combien de temps devrai-je vous supporter ? Amenez-le-moi. » 18 Jésus menaça le démon, et il sortit de lui. À l’heure même, l’enfant fut guéri. 19 Alors les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent en particulier : « Pour quelle raison est-ce que nous, nous n’avons pas réussi à l’expulser ? » 20 Jésus leur répond : « En raison de votre peu de foi. Amen, je vous le dis : si vous avez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous direz à cette montagne : “Transporte-toi d’ici jusque là-bas”, et elle se transportera ; rien ne vous sera impossible. » 22 Comme ils étaient réunis en Galilée, Jésus leur dit : « Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes ; 23 ils le tueront et, le troisième jour, il ressuscitera. » Et ils furent profondément attristés.

La foi au Fils de l’homme

Si Marc se focalisait sur la foi de l’homme au fils malade, Matthieu s’en tient à celle de ses disciples ou du moins à leur faiblesse dans la foi. Pourquoi n’ont-ils pas pu, eux, guérir l’enfant ? A quoi tient cet échec ? Le récit ne dit rien sur les tentatives manquées des disciples, et contrairement à Marc, Matthieu ne fait nullement référence à la prière. Il nous oblige à contempler l’action du Christ qui n’est autre que celle de la Parole. La foi n’est donc pas dans des gestes démonstratifs et des prières d’exorcismes comme on en connaissait à l’époque.

La foi demandée n’est autre celle que la foi en ce Christ, qui une fois encore annonce sa Passion. Seule la parole du disciple, telle une petite graine de moutarde, devient ici, l’image d’une victoire du Salut. L’épisode souligne que le relèvement ne se situe pas dans l’assouvissement d’un désir d’immédiateté mais en l’avènement d’un temps qui se comprend à la lumière de l’abaissement du Messie, humblement. Si la foi déplace des montagnes, elle a aussi à se déplacer, à se convertir.

Augustin Tünger, 1486

Pierre et la drachme (17,24-27)

17 24 Comme ils arrivaient à Capharnaüm, ceux qui perçoivent la redevance des deux drachmes pour le Temple vinrent trouver Pierre et lui dirent : « Votre maître paye bien les deux drachmes, n’est-ce pas ? » 25 Il répondit : « Oui. » Quand Pierre entra dans la maison, Jésus prit la parole le premier : « Simon, quel est ton avis ? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils les taxes ou l’impôt ? De leurs fils, ou des autres personnes ? » 26 Pierre lui répondit : « Des autres. » Et Jésus reprit : « Donc, les fils sont libres. 27 Mais, pour ne pas scandaliser les gens, va donc jusqu’à la mer, jette l’hameçon, et saisis le premier poisson qui mordra ; ouvre-lui la bouche, et tu y trouveras une pièce de quatre drachmes. Prends-la, tu la donneras pour moi et pour toi. »

Un drôle de poisson

Cet épisode a lui aussi de quoi nous surprendre. Ce n’est pas une montagne qu’on déplace, mais une monnaie providentielle qu’on trouve dans la bouche d’un poisson. Je ne saurais dire lequel des deux est plus extraordinaire ?  L’épisode renvoie au lien entre la communauté des disciples de Jésus, représentée par Pierre, et le Temple – qui chez Matthieu est aussi le symbole du Judaïsme de la synagogue. Il ne s’agit pas de l’impôt payé à Rome, mais bien celui qui exprime l’appartenance et la fidélité au Judaïsme. La foi au Christ, dont il est question depuis plusieurs épisodes, doit-elle se substituer à la foi au Temple ? Les chrétiens doivent-ils se distinguer du Judaïsme du Temple et des synagogues ?

La réponse est négative, évidemment. Tous les évangélistes comme également saint Paul manifestent cet attachement et cette continuité entre la foi chrétienne et le Judaïsme. Il n’y a pas de rupture : le paiement de la redevance manifeste ce lien. Mais ce dernier n’est pas une soumission. L’évangéliste souligne d’abord la suprématie et la liberté de Jésus , Fils et Christ, sur le Temple. Et l’épisode du poisson montre même sa suprématie, au nom du Père, sur l’ensemble de la création.

à écouter sur le podcast :

série : Pêches bibliques

La foi en sa parole

Paradoxalement, tout en manifestant cette continuité, l’évangéliste souligne le geste opposé de Jésus : face à ceux qui collectent la redevance, Jésus se positionne comme celui qui donne, et consent à perdre. La nouveauté messianique, que la passion et la croix vont manifester, demandera ce même rapport entre humilité et liberté vis-à-vis des autorités du Temple et de la synagogue. On pourrait encore souligner que Jésus renvoie Pierre à ses compétences de pêcheur aguerri. Les quatre drachmes ne tombent pas du ciel, ils sont tout autant le don de Dieu et le travail de Pierre qui doit se pencher, s’abaisser… à oser croire la parole et l’ordre inouï du Christ, cela en vue de témoigner du Royaume.

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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

2 commentaires

  1. Bonjour mon père,

    Je tiens à vous remercier pour le contenu de votre site.
    Je suis chapelain au sanctuaire Notre-Dame du Laus (05) et j’apprécie de pouvoir méditer entre autres choses, à partir de votre travail avant d’écrire mes homélies.

    Dieu vous bénisse.
    Père Nicodème

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