La mise au tombeau (Lc 23,50-56)

Parallèles : Mt 27,57-66 | Mc 15,42-47 | (Jn 19,38-42)

Rameaux, évangile (C) Lc 22-23

La scène de l’ensevelissement conclut l’ensemble du récit de la Passion, laissant l’action à Joseph d’Arimathie et aux femmes disciples.

Stefano Di Vanni, Le descente de la croix, XVe s.

L’ensevelissement (23,50-53)

23, 50 Alors arriva un membre du Conseil, nommé Joseph ; c’était un homme bon et juste, 51 qui n’avait donné son accord ni à leur délibération, ni à leurs actes. Il était d’Arimathie, ville de Judée, et il attendait le règne de Dieu. 52 Il alla trouver Pilate et demanda le corps de Jésus. 53 Puis il le descendit de la croix, l’enveloppa dans un linceul et le mit dans un tombeau taillé dans le roc, où personne encore n’avait été déposé.

Joseph d’Arimathie

Le personnage de Joseph d’Arimathie1 est présent à la même scène dans les quatre évangiles. Matthieu et Jean le présentent comme un disciple de Jésus, un homme riche attendant le Royaume de Dieu (Mt 27,57) ou ne se déclarant pas publiquement comme disciple (Jn 19,38). Luc reprend la tradition de Marc (15,43) : un homme appartenant au sanhédrin, membre du conseil. Cependant, Luc est le seul à décrire son désaccord avec les décisions de ce dernier. L’unanimité affichée lors de la comparution devant Pilate (23,26) n’était qu’apparente. La mort de Jésus vient révéler la position de chacun. Joseph se désolidarise du sanhédrin et de la décision des grands-prêtres influents.

En le décrivant comme un homme bon et juste, Luc lui décerne des qualités liées à la foi. Il est bon parce que juste, ajusté à Dieu. En le distinguant du reste du sanhédrin, le texte permet de supposer que le jugement des autres membres s’est fait hors de toute bonté et de toute justice. La présence de Joseph vient donc confirmer, une fois encore, l’innocence de Jésus.

Un tombeau neuf

Joseph attendait le règne de Dieu. Le verbe attendre, utilisé par Luc (prosdéchomai, προσδέχομαι), peut aussi se traduire par recevoir (un hôte), accueillir. Son attente sera ainsi comblée : en descendant lui-même le corps de Jésus pour le déposer dans un tombeau, il accueille le mystère même du Règne de Dieu : ce Fils livré aux mains des hommes (9,22). L’homme bon et juste reconnaît donc ainsi, en Jésus, l’homme juste, désigné par le centurion (23,47) mais aussi le bon serviteur fidèle (19,17) et le bon maître, à l’image du seul Dieu bon (18,19).

Joseph prend soin de ce corps en le déposant dans un tombeau où personne encore n’avait été déposé. Le tombeau est unique, comme le Fils est unique que s’inaugure la nouvelle alliance du Règne.

Son geste manifeste sa foi et son attachement : il descend lui-même ce corps comme il l’aurait fait pour un proche, pour un fils. Il ose, au contact de ce cadavre, se rendre impur, selon la Loi (Nb 19,11), même si celle-ci autorise quand même la célébration de la Pâque dans ce cas : Nb 9,10 Parle aux fils d’Israël. Tu diras : Quiconque, parmi vous ou dans les générations futures, sera rendu impur par le contact d’un mort, ou se trouvera en voyage au loin, célébrera néanmoins la Pâque pour le Seigneur.

Il célèbrera la Pâque, nouvelle, marqué par la mort de Jésus. Un Pâque que vivront aussi ces femmes.

Jean-Jacques Lagrenee, La mise au tombeau, 1770

Les femmes qui avaient accompagné Jésus (23,54-56)

23, 54 C’était le jour de la Préparation de la fête, et déjà brillaient les lumières du sabbat. 55 Les femmes qui avaient accompagné Jésus depuis la Galilée suivirent Joseph. Elles regardèrent le tombeau pour voir comment le corps avait été placé. 56 Puis elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Et, durant le sabbat, elles observèrent le repos prescrit.

Les lumières du sabbat

Suivant le personnage de Luc, nous retrouvons les femmes disciples (23,49). Présentes depuis la prédication en Galilée (8,1-3) et jusqu’à ce sépulcre, elles constituent ce petit reste des disciples, étant demeurées au plus proche de Jésus. Elles sont celles qui l’ont suivi jusqu’au bout. Leur présence est associée à la préparation [de la fête : ajout de la traduction liturgique]. Or, selon la chronologie de Luc, cette fête ne peut être celle de la Pâque, précédemment préparée au jour prévu : 22, 7 Arriva le jour des pains sans levain, où il fallait immoler l’agneau pascal. 8 Jésus envoya Pierre et Jean, en leur disant : « Allez faire les préparatifs pour que nous mangions la Pâque. »

La mention de cette préparation peut recevoir, dès lors, deux interprétations. La première rejoint le texte de Marc qui parle du jour de la Préparation, qui précède le sabbat (Mc 15,42). Le contexte de Luc nous permet de comprendre ainsi cette indication : le sabbat étant mentionné par deux fois (v.54.56). Mais paradoxalement, cette préparation est aussi celle du cadavre de Jésus, et la présence des femmes préparent donc le lecteur à une prochaine fête : celle du premier jour de la semaine, lorsque les femmes retourneront au tombeau, portant les aromates qu’elles avaient préparés (24,1).

Ainsi, déjà, après l’obscurité (23,44) et au sein du pouvoir des ténèbres (22,53) commencent à luire les lumières du sabbat. Celles-ci peuvent faire référence à la première étoile visible qui ordonnait le début du sabbat, mais aussi, aux lampes allumées dans les maisons pour ce jour de fête. Le sabbat célèbre le Seigneur en raison du jour du repos de la création (Gn 2,2-3; Ex 20,10-11) comme aussi en raison de la délivrance des Hébreux (Dt 5,13-15).

Avec ces lumières du sabbat qui commencent à luire, c’est une nouvelle création, un autre premier jour (24,1) et une nouvelle délivrance qui sont attendues : 24,21 Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël.

Pieta, El Greco,1585

Aromates et parfum

Le repos du sabbat observé manifeste, non seulement leur persévérance et leur fidélité dans la foi. Ce repos demeure ainsi un temps consacré et abandonné à Dieu. Si, les disciples n’ont rien pu faire contre le pouvoir des ténèbres, seul Dieu, dont les lumières du sabbat brillent déjà, pourra les vaincre.

Des aromates et du parfum parfum seront préparés pour leur Seigneur. Deux produits associés, également, à la royauté2 comme aux festivités, voire à l’Alliance. En effet, dans le livre du Cantique des Cantiques, les amants sont souvent comparés aux plus précieuses des aromates et des parfums (Ct 1,3 ; 4,10 …). La présence de ces produits pourrait signifier la reconnaissance de ces femmes, et du lecteur, envers le Christ, visage de la miséricorde de Dieu, rappelée par la pécheresse ayant parfumé les pieds de Jésus (7,37), comme aussi le parfum d’onction sacrée (Ex 30,5).

Le récit de ces femmes regardant la déposition de Jésus dans ce tombeau n’est pas une fin. Le passage appelle une suite : le retour de celles-ci pour l’embaumement et, surtout, pour un jour nouveau.

  1. Individu originaire d’Arimathie : un village de Judée, situé à 37km au nord-est de Jérusalem, sur la route menant à Jaffa. ↩︎
  2. En 2R 20,3 le roi Ézéchias est fier de montrer ces richesses, dont son or et ses aromates, à des ambassadeurs étrangers. La reine de Saba (2Ch 9) offre au roi Salomon, avec l’or et les pierres précieuses, des aromates incomparables. Sur un lit d’aromates le roi Asa sera inhumé (2Ch 16,14) ↩︎
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François BESSONNET
François BESSONNET

Bibliste et prêtre (Vendée). → bio

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